Lectures pour tous : Edgar Morin
L’extrême platitude et, souvent, l’imbécillité crasse des commentaires qu’on a pu lire/entendre ici et là après la mort d’Alain Delon, star ultime du cinéma franco-italien, m’ont donné envie de relire un peu Edgar Morin (toujours mieux que Bourdieu). Le cinéma ou l’homme imaginaire (Essai d’anthropologie) [Minuit, 1956], donc, et son codicille Les Stars [Seghers, 1957], dont est extrait le paragraphe suivant. Réédités maintes et maintes fois, les deux ouvrages sont disponibles partout.
« La star peut être un idéal, un symbole, une incarnation, mais ce n’est plus l’image-guide éclairante, messianique d’une civilisation. Les modèles se sont multipliés, ils ont émigré aussi bien dans la culture de masse (presse, magazines, télévision, publicité) que dans la contre-culture. Le cinéma peut certes transmettre, amplifier de la culture – il ne forme désormais que de l’art. Mais il reflète : la star moderne reflète, incarne le cours nouveau, errant et problématique de la civilisation. Ainsi la décadence du star system correspond-elle en quelque sorte à la décadence du rôle sociologique du cinéma. Celui-ci était le leader de la culture de masse. Il devient, de plus en plus, un phénomène esthétique. La formation esthétique succède à la formation socio-culturelle. Mais les stars continuent. »