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le vieux monde qui n'en finit pas
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31 mai 2008

Comme une vache espagnole

Chose promise, chose due. Jean-Pierre Brisset, "inventeur, grammairien et prophète", fut pâtissier, soldat, maître-nageur (il publia en 1870 la Natation ou l'Art de nager, appris seul en moins d'une heure), commissaire de surveillance administrative aux Chemins de fer, bientôt Septième Ange de l'Apocalypse et à ce titre adulé par les pataphysiciens et quelques surréalistes. (André Breton par exemple le tient au chaud dans son Anthologie de l'humour noir, entre Alphonse Allais et O'Henry.)  Dans la Création de l'homme, Brisset entreprend de démonter la préexistence du langage articulé à toute forme d'humanité pensante et élabore avec le plus grand sérieux une théorie de la Genèse qui n'a pas fini de nous donner des crampes abdominales, de désespérer les créationnistes de tout poil (couac) et de susciter l'admiration perplexe de ses scoliastes les plus dévoués.

"Son dada était la philologie, mais une philologie abracadabrante. Au moyen d'élucubrations plus que fantaisistes, de raisonnements plus ou moins scabreux (il avait un goût très fort pour l'érotisme), il établissait sans le moindre doute que l'homme descend de la grenouille (comme le prouve sa tendance - dont je ne m'étais pas moi-même avisé jusque-là - à prononcer le mot couac à la moindre provocation)." (Jules Romains, in Amitiés et rencontres)

En voici un extrait. La semaine prochaine, s'il ne pleut pas, "Les cris de la grenouille".

"Pagne trouve sa valeur dans peine, pogne pigne, pugne et dans : pane, pène, pine, pune. C’est l’ordre de prendre le sexe en pigne ou pignon ; en panne, où on le laissait ; en pène ou en peine, ce qui était pénible. Il faut suivre ce chemin pour arriver à la vache espagnole.

"J’ai ma queue on pagne, j’ai ma compagne. À la campagne, on a la queue en pagne. Ma queue on pagne ai, veux-tu m’accompagner ? Les queues on pagne ont les compagnons. Hauler formé de haut l’ai est un verbe ayant valu lever. Ce pagne haule = cette queue lève. La vois-tu ce pagne hauler, se pagnoler : elle se promène en levant la queue. Comme la vache lève rarement la queue et que c’est un spectacle comique et ridicule, c’était et c’est encore un terme de comparaison fréquent. Comme une vache elle se pagnole = comme une vache elle lève la queue. C’est bien là le langage de la campagne. Celui qui parle mal, rarement, et d’une manière ridicule, parle comme une vache elle se pagnole, comme une vache espagnole.

"L’espagnolette, ai ce pagne haulette, est une petite queue qui se lève. L’italien spagnolleggiare correspond à notre ancien verbe se pagnoler ou espagnoler. L’Espagnol se pagnole, c’est du moins sa réputation. Il est toujours à se battre avec les vaches, car il ne peut leur pardonner de lever la queue plus haut que lui.

"Le verbe espagnoler n’était pas mort, il dormait et nous l’avons ressuscité. Il est trop parlant pour ne pas revenir en usage, dans le lieu convenable.

"Un certain trèfle porte en un dialecte le nom de pagnolée, pagne haulée ; il est dénommé de sa queue allongée ; les mots pagnoler, espagnoler sont donc bien de notre langue."

[La Science de Dieu, ou la Création de l'homme, 1900,
éd. Marc Décimo, Presses du réel, Dijon, 2001.]

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Commentaires
J
Mais la vache ne parle pas ! Tout est dans l'attitude, qu'elle soit espagnole ou lettrée, flamande ou basque. Elle aura toujours un amant pour dire "t'as d'beaux yeux" qui lui meuvent l'espagnolette, la chevillette et la bobinette chères à la fontaine de ses regards des quais desquels montent les brumes qui voilent ses émois.<br /> J
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