Journal de prison

« La vie en prison continue. On ne peut pas dire que ce soit des plus gais. Dehors un merveilleux printemps, éblouissant, juteux, se déverse et nous n'en apercevons qu'une goutte à l'intérieur des cellules. Il n'y a que le chant des oiseaux qui pénètre jusqu'à nous, et les nuances du ciel. Parfois un avion passe dans le carré de ciel et semble briser l'épine dorsale de la maison. La solitude est toujours aussi terrible, vers le soir. Les objets prennent alors des allures menaçantes, les angoisses m'assaillent et je dois les faire taire en rassemblant toutes mes forces, j'ose à peine regarder autour de moi, sur le sol, sous le lit et la table, et des sensations horribles touchent mes pieds et mon dos. J'ai eu beaucoup d'angoisses de ce genre étant enfant, seule dans un chalet à la montagne ou dans la forêt, etc. Mais ici en prison c'est plus néfaste, insinuant, et c'est fatigant à la longue de lutter contre des fantômes. J'espère que la semaine qui va commencer demain va m'apporter le papier fixant la date du jugement. Pourquoi tout est-il si lent, si mortellement lent ?
J'ai deux magiques petits bouquets de fleurs des champs sur la table. »

Extrait de Suis-je encore vivante ? (journal de prison), Verticales, 2008. Il s'agit des débuts en écriture - datant de son séjour à la prison de Münich en 1963 - de la « catin révolutionnaire » Grisélidis Réal (1929-2005). Un texte retrouvé après sa mort. Et une excellente occasion, si votre chemin n'a pas encore croisé celui de la grrrrrrande Grisélidis, de faire sa connaissance en douceur, avant de vous jeter (à corps perdu) dans Le noir est une couleur, La Passe imaginaire, Les Sphinx et le Carnet de bal d'une courtisane.

Comments

[lili]

tro bo lol