Jacques Vaché (suite)
d'après Presse Océan, 7 mars 2008
La ville de Nantes acquiert de nouvelles lettres du Nantais Jacques Vaché (1895-1919), pionnier, malgré lui, du mouvement surréaliste.
Au mois d'août 1919, André Breton publie aux éditions du Sans-Pareil, un petit livre intitulé Lettres de Guerre de Jacques Vaché. Ce sont celles qu'il a reçues personnellement de son ami. Cet opuscule, dont l'original est aujourd'hui rarissime, sera réédité et enrichi trente ans plus tard, aux éditions K.
Puis, de fil en aiguille, l'auteur Georges Sebbag retrouvera la piste familiale de Jacques Vaché, sa soeur en fait, qui vit toujours. Il éditera ainsi un ensemble de lettres aux éditions Jean-Michel Place, envoyées depuis le front - Jacques Vaché est soldat -, de juillet 1916 à janvier 1918.
Ce véritable journal de guerre se retrouve aujourd'hui dans l'escarcelle de la municipalité nantaise, grâce à l'exercice du droit de préemption. Elle a ainsi acquis ces nouveaux courriers voilà deux mois au cours d'une vente publique. La Ville, qui poursuit sa politique d'enrichissement des fonds patrimonieux de la bibliothèque municipale, possède aujourd'hui 94 lettres que le jeune dandy nantais adressa à sa famille et à ses amis. Trois de ces lettres sont à ce jour restées inédites. Elle a également acheté, en 2007, le télégramme que le médecin chef de l'hôpital Broussais adressa le 19 janvier 1919 à Breton pour lui donner l'adresse de la famille Vaché.
C'est en 1915 que la route de Jacques Vaché, ancien élève du lycée Clemenceau, croise celle d'André Breton. Blessé au mollet, il est soigné à l'hôpital du Boccage, rue du même nom. Il se lie d'amitié avec deux internes en médecine, Théodore Fraenkel et André Breton, et une infirmière, Jeanne Derrien.
Son amie « Jeannette » recevra des dizaines de lettres de Jacques Vaché qui, par ailleurs, fera les quatre cents coups avec André Breton. Mais la mort le rejoint le 6 janvier 1919 à l'hôtel de France de la place Graslin. Vaché et son ami Paul Bonnet succombent à une overdose d'opium. Ce tragique fait divers sera très longtemps étouffé par la famille du soldat Vaché, dont le père est militaire.
En 1924, André Breton, sur les traces du dadaïsme, fonde le mouvement surréaliste. Au fil de ses écrits et de sa vie, Jacques Vaché devient le fil rouge de la propre histoire d'André Breton.
Deux ouvrages récents Jacques Vaché (de Bertrand Lacarelle, chez Grasset) et Les Solennels (éditions Dilecta, textes inédits préfacés par le spécialiste nantais Patrice Allain) s'ajoutent à l'édifice du mythe Vaché. Un mythe qui n'est pas près de s'éteindre, si l'on en croit le nombre de réactions suscitées par le blog de Raphaël Sorin qui parle du rapport d'autopsie des deux jeunes morts d'overdose. A l'époque de ses propres recherches sur les traces des surréalistes à Nantes, Raphaël Sorin avait rencontré Pierre Lanoë, un ancien poilu ami de Jacques Vaché et Roger Guibal, l'un de ses cousins.
Stéphane Pajot