La nuit du visiteur
On a connu Benoît Jacques presque gamin, lorsqu'il dessinait la maquette de Visions (première manière), le plus formidable - mais éphémère - magazine de cinéma en langue française du royaume des Belges (période Baudouin 1er). On le sait bien, car on était là. On a modestement contribué à mettre le bébé au monde, sous la férule du duo Philippe Reynaert-Louis Danvers.
Benoît Jacques a bientôt disparu. On a fini par retrouver sa trace. Il a fait du chemin. Après un détour par l'Angleterre, l'artiste s'est réfugié à Montigny, là où Jean Renoir tourna les extérieurs d'Une partie de campagne. C'est là qu'il a écrit, illustré, colorié, autoédité, diffusé et expédié ses dix derniers livres.
Celui qui vient de sortir s'intitule La Nuit du visiteur. C'est une variante inédite du conte du Petit Chaperon rouge. L'idiote à la capuche a renoncé pour une fois à traîner dans les bois à des heures indues. Sans doute est-elle restée dans sa HLM pour regarder la publicité à la télévision. Ici, une grand-mère ignoblement sourdingue et diaboliquement laide fait décliner vingt fois son identité à un grand-méchant-loup atrabilaire qui n'en peut plus de mentir en vers de mirliton hilarants («Oui ! C'est Prosper ! Lorsque ce sera ouvert je saurai vous faire taire !»). Après quoi elle se goure dix fois pour retrouver la formule magique («Ote la chemisette, et la salopette tombera !»). Il va de soi que la morale sera sauve et qu'elle se fera dûment et crûment bouffer, non sans une pirouette qui aurait fort amusé feu Robert Dehoux («Bouchons, bouchons...»). Recommandé à tous les mauvais esprits et les hommes de goût âgés de plus de sept ans et demi. Prix Baobab 2008.