Virginie Despentes, Orelsan, la censure
J'aime bien Virginie Despentes, cinéaste, écrivain (la sortie d'un nouveau livre est annoncée pour bientôt) et pétroleuse. J'aime bien quand elle met les pieds dans le plat en feignant d'être maladroite. Je veux dire: quand elle vient faire pipi dans la mangeoire commune à Mmes Marie-Georges Buffet, Christine Albanel, Ségolène Royal, Isabelle Alonso et Michèle Alliot-Marie. Dans un récent entretien, un délégué des Inrockuptibles lui demande ce qu'elle pense de "l'affaire Orelsan".
« Je trouve sa chanson [Sale Pute] très bien, efficace, drôle et bien foutue. Dans d’autres communautés, on parlerait, je crois, d’un texte traitant avec une certaine efficacité le "désarroi amoureux": je t’aime, tu ne m’aimes pas, je suis désespéré, je vais te niquer ta race. Sur le sujet, on doit pouvoir trouver quelques lignes autrement plus violentes chez Racine ou Shakespeare. Je veux dire: ça serait pas genre un thème classique de la littérature, la déception amoureuse? Bon, mais on parle d’un gouvernement qui en avait déjà après Madame de La Fayette, donc on finit par se demander s’ils n’ont pas un problème, global, avec le dépit amoureux… De là à penser qu’ils pressentent quelque chose, dans leurs propres rangs, qui pourrait déconner de ce côté là… va savoir.
« [...] Quand on voit l’état des politiques dans le pays, on voit bien qu’il n’y a ni ordre, ni morale. Évidemment, ça me rappelle Baise-moi, [...] j'ai lu dans Les Inrocks que Dominique A se sentait obligé de nous dire ce qu’il pense de la qualité du texte, et que ça "ne faisait pas de mal" à Orelsan, de se faire remonter les bretelles. Et j’ai trouvé cet édito autrement plus violent que le texte d’Orelsan, parce que je doute qu’il ait été écrit au deuxième degré.
« On peut voir cette tentative de censure comme une opération en laboratoire: comment le gouvernement peut-il intervenir directement sur Internet, sur les concerts, sur les sorties de disques, sans emprunter les voies légales, en mettant une pression directe? Et je pense que pour le gouvernement, l’opération n’est pas un échec: les maisons de disques feront attention, à l’avenir, à ne pas signer des artistes hip hop qui ont quelque chose à dire, les organisateurs de festival penseront à faire attention à inviter des artistes qui ne font pas de problème, et si le gouvernement travaille bien, un jour les hébergeurs Internet, comme le fait déjà Myspace, surveilleront ce qu’ils mettent en ligne et "arracheront les mauvaises herbes" de tout discours pouvant avoir un contenu. »
[version complète ici]
Christina Lindberg dans Thriller. En grym film (Bo Vibenius, 1974)