« Si l'on regarde bien tout autour du comptoir ciré au coude et dans la petite salle enfumée, il y a la population typique de ces abris humanistes qui ont remplacé depuis longtemps, pour la prière et la confession, les églises et les chapelles, pourtant nombreuses en ce beau pays.
« Le patron, d'abord, qui fait tout pour tenter de ressembler à Kersauzon ou à un cheval d'orgueil mais qui rappelle inexorablement un personnage de Dickens. La mère du patron, qu s'escrime sur ses mots croisés, en train de buter sur une définition: du neuf avec du vieux, en onze lettres, alors qu'elle est la réponse elle-même, puisqu'elle est nonagénaire. Trois anciens de la pêche, qui lèvent le coude après avoir relevé les casiers. Deux jeunes, le crâne couvert du bonnet de laine bleu nuit, qui se demandent sans se le demander ce qu'ils foutent encore là alors qu'ils pourraient s'éclater du côté de la Tour Montparnasse. Et deux dames d'un certain âge qui ont trouvé, pour la retraite, la douceur du porto et de la broderie au point de croix. [...]
« On boit de la bière, du vin, celui des bouteilles au goulot étoilé, et surtout un café que même les Belges leur envient, qui bouillonne doucement sur le poêle et que l'on complique avec du "jus de fruit", c'est-à-dire la pomme locale, une gnôle avec laquelle Ariane 5 irait deux fois plus vite. »
Jean-Bernard Pouy, La Récup', Fayard, « Noir », 2008
« Un de ces cafés bretons qui ont l'air de dormir depuis l'arrivée de César dans la péninsule. »