15 juin 1951, sortie de Ace in the Hole à Los Angeles
(Los Angeles Times)
Voici ce qu'en disait Lo Duca, quelques mois plus tard, dans le n°11 des Cahiers du cinéma (dans l'article "Le Roman d'un tricheur") [The Big Carnival est le titre sous lequel le film est connu après avoir été rebaptisé par le studio, contre l'avis de Billy Wilder] :
« [...] The Big Carnival observe un monde obsédé par la sensation et le "sensationnel". C'est un constat: après trente ans de "grande presse", de "cinéma", de "radio" et de "télévision", la foule américaine est atteinte d'un sadisme frénétique qui ne se refuse plus rien, même pas la vie des autres. Tatum, un de ces disciples de l'infomation à la une, en vient à tomber, de chien écrasé à serpent à sonnettes, sur un malheur pittoresque: le propriétaire d'un bazar-café aux lisières du désert, en profanant d'anciennes sépultures indiennes dans la Montagne aux Sept Vautours (huit après l'arrivée de Tatum), est resté emmuré par un éboulis. Enterré Vivant, Sept Vautours, Tombeaux Indiens, Esprits Vengeurs, Veuve Éplorée, tous les titres sont là sous la main, fauteurs de sensations et de gloire. L'argent en plus, bien entendu. Mais il faut surtout que cela dure. La machine est consciencieusement montée, le battage organisé, l'épouse bien dressée, le shériff acquis. Une consolidation des galeries qui mènent à l'enterré vivant suffirait à le sauver. Ce serait terne. On monte une foreuse spectaculaire qui percera la montagne de haut en bas. La foule arrive, par tous les moyens, jusqu'au train spécial. Et, avec la foule, un "luna park" qui permettra de tromper l'attente. Les dollars affluent au "drug-store" et remplissent d'aise le cœur de la garce Lorraine, dont l'effort pour jouer la veuve avant la lettre commence à peser. Dans cette orgie de bruit, de curiosité, d'excitation, de jalousie, de business et de jobs, il n'y a qu'une mère qui pleure et un homme qui se meurt, c'est-à-dire moins que rien. La foreuse géante n'est qu'à trois mètres de l'emmuré quand celui-ci meurt pour de bon. Tatum a enfin horreur de son œuvre. C'est ici d'ailleurs que commence l'invraisemblable, qui va jusqu'au meurtre aux ciseaux du journaliste trop épris de ses lecteurs. Le film est déjà fini dans la cohue et dans la poussière des spectateurs qui rentrent chez eux, furieux de ne pas avoir vu ou touché la moindre goutte de sang, l'âme toujours très chrétienne et parfaitement en paix. [...]
Jan Sterling
« Billy Wilder a obtenu de ses interprètes l'esprit même des personnages qu'il souhaitait. Kirk Douglas a un jeune cynisme assez naturel. Jan Sterling utilise sa laideur avec intelligence dans le rôle de la femme qui vendrait n'importe quoi. Richard Benedict est un enterré de bon aloi. Connaissant à peine le visage de ces acteurs, nous avons fini par croire qu'ils n'en sont pas. On ne pourrait faire d'eux meilleur éloge. »
Billy Wilder sur le tournage de Ace in the Hole