Art Tatum, 13 octobre 1909
« Tenderly » (Walter Gross & Jack Lawrence)
« Artiste hors du commun. [...] L'exercice de l'improvisation et le goût de la virtuosité, apanage des années trente et quarante, conviennent parfaitement à ce technicien insurpassable qui réussit la synthèse des styles de Fats Waller et d'Earl Hines et les transcende en un perpétuel feu d'artifice de notes, une cascade bouillonnante d'arpèges, des prestissimos ébouriffants et des cadences infernales qui n'appartiennent qu'à lui. S'appliquant à donner à ses deux mains la même importance, derrière les bouquets de notes, le chatoiement des sons, les digressions et les sous-entendus, jamais ne s'égare la pensée directrice qui est d'embellir une mélodie jusqu'au sublime. Les thèmes sont empruntés au répertoire des compositeurs en vogue: Gershwin, Rodgers, Kern, voire Massenet ou Dvorak, sans négliger le blues traité avec une délicatesse excluant le tragique. Pianiste pour pianistes, "un Chopin fou" disait Jean Cocteau, mais aussi un accompagnateur efficace. Nombre des découvertes du jazz d'après 1950 sont issues de ses audaces harmoniques. Mais n'ayant recherché que des beautés aimables et raffinées et non la destruction de la mélodie et du tempo, Art Tatum ne peut être rattaché à une école révolutionnaire. Si pour quelques détracteurs il ne fut qu'un génial pianiste de bar, il inspira à Jacques Réda ces vers... » [voir billet ci-dessous]
Frank Ténot, in Dictionnaire du jazz, Robert Laffont, « Bouquins », 1988