Lectures pour tous : Alain Badiou
« L'amour sécuritaire, comme tout ce dont la norme est la sécurité, c'est l'absence de risques pour celui qui a une bonne assurance, une bonne armée, une bonne police, une bonne psychologie de la jouissance personnelle, et tout le risque pour celui en face de qui il se trouve. Vous avez remarqué que partout on vous explique que les choses se font "pour votre confort et votre sécurité", depuis les trous dans le trottoir jusqu'aux contrôles de police dans les couloirs du métro. Nous avons là les deux ennemis de l'amour, au fond: la sécurité du contrat d'assurance et le confort des jouissances limitées. »
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« Je crois que libéral et libertaire convergent vers l'idée que l'amour est un risque inutile. Et qu'on peut avoir d'un côté une espèce de conjugalité préparée qui se poursuivra dans la douceur de la consommation et de l'autre des arrangements sexuels plaisants et remplis de jouissance, en faisant l'économie de la passion. De ce point de vue, je pense réellement que l'amour, dans le monde tel qu'il est, est pris dans cette étreinte, dans cet encerclement, et qu'il est, à ce titre, menacé. Et je crois que c'est une tâche philosophque, parmi d'autres, de le défendre. Ce qui suppose, probablement, comme le disait le poète Rimbaud, qu'il faille le réinventer aussi. Ça ne peut pas être une défensive par la simple conservation des choses. Le monde est en effet rempli de nouveautés et l'amour doit aussi être pris dans cette novation. Il faut réinventer le risque et l'aventure, contre la sécurité et le confort. »
Alain Badiou (avec Nicolas Truong), Éloge de l'amour,
Flammarion, « Café Voltaire », 2009
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Nous irons écouter Badiou donner une conférence demain, lundi 23, au théâtre Marni, 25 rue de Vergnies, 1050 Bruxelles (02.639.09.80). Après la conférence et la séance de signature ordinaire, comme nous en informe l'organisateur de la soirée, le libraire Claude Zylmans, nous aurons droit à une petite restauration, dûment servie au bar.
Chikage Awashima, Isao Kimura dans Iwashigumo (Nuages d'été), Mikio Naruse, 1958