Le vieux monde, Jorn et Tusques
« Nous sommes si jeunes
« Nous ne pouvons pas attendre
« En ces temps là, nous n’étions pas encore nés. Le vieux monde s’effondrait doucement sur nous, et nos ombres éprouvaient les gestes du combat que nous aurions à mener, pour bâtir dans les ruines. Il y eut des intuitions éblouissantes. C’est qu’en ces temps là nous n’étions pas encore morts non plus. Vis, camarade, fonce, le vieux monde est derrière toi : et personne n’avait décidé que ce serait une fuite en avant, une cavalcade effrénée que rythmerait le choc des bâtons sur les boucliers, ou bien une galopade aveugle au long des corridors sans fin du pouvoir, non, personne ne t’obligerait à finir assis, épuisé, dans une salle de tribunal, et quel que soit le côté de la barre ou tu te retrouverais, à tenter de reprendre ton souffle, oh farce tragique. Nous savions bien qu’on peut toujours courir, le monde est monde, et l’avenir irradié. C’est le présent seul qui peut être radieux. Nous étions juste là, debout et si parfois nous fermions les yeux, c’était pour mieux entendre. »
[François Tusques, texte de présentation de 1965, François Tusques, Free Jazz, in situ. Edition originale disques mouloudji, bernard vitet trompette, françois jeanneau saxophone et flûte, michel portal clarinette basse, charles saudrais percussion, bernard guérin contrebasse, françois tusques piano, direction artistique colette magny]
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Asger Jorn, Le Vieux Monde, lithographie (1953)
(Merci André pour la coïncidence)