J’ai demandé à quelques amis et comparses d’établir la liste de leurs 25 albums de jazz préférés. (...) Pour voir l'historique de la série, cliquer sur "jazz 25", dans les tags, au bas du présent billet. Pour le mode d'emploi, cliquer ICI

 

Aujourd'hui : Gashade

~

Les Chaussettes Noires, « Peppermint Twist », 1962, Barclay.

Les Chaussettes Noires n’ont pas souvent eu un saxophoniste avec eux mais quand ça a été le cas, ça a foutu le feu aux poudres. Peppermint Twist (5'13" de chauffage à blanc), Georges Grenu au saxo. Ça chauffait en 1962, je vous garantis que ça chauffe toujours en 2010, sinon ça serait pas listé ici ! Twist ! Twist ! Yes !

01_ch_noires_vmonde

Coleman Hawkins, « A Buck Clayton Jam Session », 5/03/1956, Philips.

C’était dans la discothèque des parents, je trouvais que ça sonnait comme du rock. Quand on grandit avec ça, on a du mal à passer au musette, après. Avec l’immense Jimmy Rushing. Formidable. Si quelqu'un peut m’indiquer le CD de la session de Buck Clayton qui englobe ces deux bijoux, je l’en remercie.

02_c_hawkins_vmonde

Sun Ra, « The Futuristic Sounds Of Sun Ra », 1961, Byg.

Je l’avais acheté grâce à Delfeil de Ton qui délirait régulièrement sur Sun Ra dans le « Petit Coin de la Culture » du vieux Charlie-Hebdo. C’est pas encore trop free (pour moi) pour du Sun Ra, ça fait penser à du Ellington. Le même disque existe toujours en CD, avec une pochette tout à fait différente (une peinture au lieu de la photo du profil du maître).

03_sun_ra_vmonde

Albert King, « Live Wire / Blues Power », 1968, Stax.

C’est encore DDT, qui n’écoutait pas que du jazz, qui a signalé ce disque aux lecteurs de CH: c'est le top du top de la guitare blues électrique. Sans Albert, Clapton aurait fait carrière dans les postes. Attention, Albert a parfois fait de très mauvais disques hélas, mais là...

04_a_king_live_wire_vmonde

« American Folk Blues Festival », 18/10/1962, Polydor (ex-Brunswick).

J’ai acheté ce disque vers quinze, seize ans, on commençait à se demander entre nous, qui étaient les noms entre parenthèses après les titres des chansons sur les disques des Stones ou des Animals: « Boom Boom (Hooker) », mais c’est qui ce Hooker? On trouve là un solo de guitare sublime de Brownie McGhee (dans Cryin' At The Station).

05_am_folk_blues_vmonde

John Lee Hooker, « It Serve You Right To Suffer », 23/11/1965, Impulse !

Shake It Baby a mélangé les âges sur les pistes de danse, yessir! Le reste du disque est nettement plus grave. Sublime. C’est Bob Thiele, le producteur de Coltrane et des autres dingos (c'est un compliment) du free jazz, qui a produit. L’homme avait les oreilles larges, chapeau!

06_jl_hooker_vmonde

Earl Hooker, « The Moon Is Rising », fin années 1960, Arhoolie.

Le cousin de John Lee! Sa virtuosité reste chaleureuse, à ce niveau, c’est l’anti-Albert King, mais j’aime les deux. Il a touché à tout: blues, country, jazz, rock. Ce CD englobe un 33-tours qui s'appelait « Hooker And Steve », l'autre partie nous ramène au jazz (Swinging At Theresa’s, par exemple). Brillant.

07_e_hooker_vmonde

T-Bone Walker, « T-Bone Blues », 1955-1957, Sequel (ex-Atlantic).

Encore une découverte (pour moi...) de l’American Folk Blues! Quelle élégance! La fine lame de la guitare de blues : écoutez Evenin’ ou l’incroyable Blues For Marili...

08_t_bone_walker_vmonde

Louis Armstrong et Duke Ellington, « The Complete L.A. & D.E. Sessions », 1961, Roulette.

J’entendais Mood Indigo, Duke’s Place ou The Mooche, qui sortaient de la fenêtre de mon frangin, forcément, ça marque. Avec ça, des musiciens avec eux! Oui, la grande classe.

09_armstrong_ellington_vmonde

Lightning Hopkins, « Lightnin' ! », mai 1969, Arhoolie.

Ce CD représente le meilleur du Hopkins des années 1960 à mon goût. La crème de la crème du Texan à l’accent impossible (il détient une grave responsabilité dans la mise à mal du langage parlé américain, reléguant en cela Arthur Hunnicutt et Walter Brennan au rang d'aimables babilleurs), aussi, c’est le genre de mec qui joue tellement bien de la guitare qu’il prend même plus la peine de bien jouer de la guitare! Paraît-il qu’il avait peur de prendre l’avion pour faire des concerts, il préférait rester à chez lui, à Houston, Texas... Superbe.

10_l_hopkins_vmonde

Mountain Men, « Springtime Coming », avril 2009, Mosaic.

Découverts grâce à la revue Soul Bag (leur critique est un peu sévère, d'ailleurs), voilà un Australien et un Français qui se retrouvent en France et qui font une sorte de delta blues sans se laisser impressionner par tous les grands noms passés du delta blues, ils ont raison, ils sont libres. C’est excellent. Par ailleurs, ils reprennent Les Marquises (mieux que l'original).

11_mountain_men_vmonde

Sonny Boy Williamson II, vol.1 « Don't Start Me To Talkin’ », 1955-1961, Roots.

C'est le CD que j'ai, mais il en existe quantité d'autres qui reprennent les mêmes séances: c'est que du nanan, la crème de Sonny Boy.

12_sb_williamson_II_vmonde

~

Entracte

Sonny Boy Williamson filmé à l'American Folk Blues Festival, chantant Nine Below Zero: c'est au-dessus de tout! Memphis Slim cède la place au piano à Otis Spann, Willie Dixon est à la contrebasse, guitariste et batteur j'arrive pas à leur mettre des noms. Je me demande si l’harmonica de Sonny Boy est si petit qu’il arrive à le masquer tout entier avec le majeur.

 

~

 Junior Wells, « Hoodoo Man Blues », 22-23/09/1965, Delmark.

Paraît que Junior Wells à ses débuts, était venu trouver Sonny Boy pour lui demander de lui apprendre à jouer de l’harmonica et l’autre l’avait envoyé balader, dure loi de l’Est! Ce disque-ci est un grand classique, Buddy Guy y est aérien et précis. C'est un chef-d'œuvre.

13_j_wells_vmonde

Howlin' Wolf, « Memphis Days Vol.1, 1951-1952 », Bear Family.

Je préfère les débuts du Wolf à Memphis, avant qu’il ne monte à Chicago pour signer chez Chess, ce n’est pas pour la douce voix de scie électrique qu’il aura toujours, c’est pour son guitariste du nom de Willie Johnson qui sur-saturait à mort le volume de sa guitare électrique quinze ans avant Pete Townsend, un bonheur! Ah bien sûr, c’est pas pour les oreilles des nourrissons, quoique...

14_h_wolf_vmonde

John Coltrane, « Coltrane Plays The Blues », 24/10/1960, Atlantic.

Ça s’écoute un Martini à portée de la main, au calme sur le balcon au printemps, c'est pas la furie de « Ascension », c’est bien aussi pour rappeler à sa mignonne qu’on l’aime toujours.

15_j_coltrane_vmonde

Big Bill Broonzy, « Complete Recorded Works In Chronological Order Vol.4 », 1935-1936, Document.

J’ai choisi celui-ci parce que c’est les débuts de BBB sous son nom propre. C'est l’un des rares a avoir été à la fois aussi productif (les œuvres complètes, ils en sont arrivés au volume 12 pour les années 1945-1947 et il a enregistré jusqu’à sa mort, en 1958) et constant : tout est bon dans le Broonzy. C’est irrésistible.

16_bb_broonzy_v4_vmonde

Otis Spann, « Walking The Blues », 1960, Candid.

Spann a longtemps été le pianiste de Muddy Waters et musicien de studio pour Junior Wells ou Sonny Boy ou plein d'autres du label Chess, mais il a réussi à faire pas mal de disques sous son nom. L’instrumental qui donne son titre à l’album est prodigieux, mais il n’y a que des perles, ici. Spann alterne le chant avec le fameux guitariste Robert Jr Lockwood. Je dis que c’est le meilleur disque de piano de l’histoire du piano, objectivement!

17_o_spann_walking_vmonde

« Super Black Blues, Vol.1 », novembre 1968, RCA pour l'édition CD.

Comme on se retrouve : T-Bone Walker avec Otis Spann, Big Joe Turner et George Harmonica Smith (entre autres): c’est au-dessus de tout, Turner est impérial, c’est cool et jouissif, les mecs prolongent la durée des morceaux avec justesse (Blues Jam, dix minutes sublimes à faire se trémousser un trappiste: « I woke up this morning with the blues around my bed... Yeah-yeah-yeah!!! »). Encore un coup de Bob Thiele, qui devait enregistrer ces génies séparément et qui a profité qu’ils étaient tous au studio ensemble, dit la pochette (j’ai mis la couv du 33 tours: sur le CD, ils ont mis les photos à l'intérieur).

18_superblack_vmonde

Louis Myers, « I'm A Southern Man », 1978, Testament.

Louis Myers a été musicien de studio ou accompagnateur de Spann, Junior Wells, Little Walter, Muddy Waters, Bo Diddley et d’autres... En 1978, il enregistre enfin en vedette et on peut regretter qu’il l’ait pas fait plus tôt! Il a une belle voix de velours, il est accompagné par Freddy Robinson à la guitare et Larry « Canned Heat » Taylor à la basse! Il a fait au moins deux autres disques après celui-ci. Beau et digne.

19_l_myers_vmonde

Screamin' Jay Hawkins, « Live ! », 16-17/06/1988 et 1995, Frémeaux.

Un chanteur d’opéra qui se voue au rock! Ici, très bien accompagné (les Chicken Hawks, guitariste et saxo à la hauteur) en public à Paris, magnifiques reprises de standards du rock ’n roll, Lawdy Miss Clawdy, Ain’t That A Shame (un sommet), Tutti Frutti et aussi et heureusement ses standards à lui: I Put A Spell On You et Hong Kong !

20_sj_hawkins_vmonde

Mississippi Joe Callicott, « Furry Lewis et MJC, The Complete Blue Horizon Sessions », 21/06/1968, Sony/Blue Horizon.

Ils ont mis deux bluesmen dans le même double CD, c'est pour Joe Callicott que je le mets ici, je trouve que ce sont ses meilleures plages: War Time Blues ou Lost My Money In Jim Kinnane’s sont hypnotisants. Il joue beaucoup, comme J.L. Hooker, sur la répétition et c'est la plus belle voix du blues. Quatre CD en tout, faciles à trouver, font les œuvres complètes de MJC (avec plein de doublés).

21_j_callicott_f_lewis_vmonde

Tampa Red, « The Bluebird Recordings 1934-1936 », RCA.

Il paraît que la maison de Tampa Red à Chicago était le lieu de répétition de tous les bluesmen qui avaient signé avec le label Bluebird! Il devait avoir une épouse assez cool. L’œuvre entière de Tampa occupe 15 CD. C’est léger et aérien, mais en fait, souvent triste (Sweet Woman, I’ll Get A Break Someday...).

22_t_red_vmonde

R.L. Burnside, « Come On In », 1998, Fat Possum.

Le copain qui m’a offert celui-ci a provoqué la révélation du siècle! Un vieux bluesman de delta blues se laisse entraîner par une bande de jeunots intoxiqués à la techno (dont son petit-fils Cedric) et ça donne l’ouragan de « Come On In », dans lequel blues traditionnel et remix et électro secouent le plancher les murs le plafond mais alors, grave! Tiens, je me réécoute It’s Bad, You Know! Hop! (Robert Lee est mort il y a cinq ans.)

23_rl_burnside_vmonde

Junior Kimbrough, « God Knows I Tried », 1993, Fat Possum.

Quasi tout ce que publie Fat Possum est bon! Ici, Junior Kimbrough: ça s’écoute la flasque de bourbon à portée de main, dans un brouillard de fumée qui pique bien les yeux. C’est planant. Kimbrough donnait ses concerts dans son propre juke-joint dans le Mississippi, et moi j’y étais même pas! Trop tard. Il est mort en 1998.

24_j_kimbrough_vmonde

Asie Payton, « Worried », 1999, Fat Possum.

Ça, c’est de la feet-moving music, yessir! C’est léger et sautillant, c’est irrésistible (Nobody But You...). Ils ont enregistré Asie dans le juke-joint de Kimbrough, habituellement, il ne désirait jouer que dans une des deux épiceries de sa ville de Holly Ridge, 150 km plus loin. Le CD est sorti après sa mort en 1997.

25_a_payton_vmonde

Washington Phillips, « Storefront And Street Corner Gospel », 1927-1929, Document.

Denomination Blues a été un choc. Phillips jouait d’un instrument qui a provoqué des querelles d’experts quant à l’identifier, ça sonne comme une harpe. De toute façon, c’est très beau, et émouvant comme une scène d’un film de John Ford (Mother's Last Word To Her Son...).

26_w_phillips_vmonde

Little Freddie King, « Messin’ Around Tha House », 2008. Madewright.

Découvert grâce à ma médiathèque, vivent les médiathèques! J'espère qu'on va le garder encore longtemps, il a 69 ans et joue un blues planant comme chez Kimbrough, avec remix et électro comme chez Burnside, mais c’est bien à lui.

27_lf_king_vmonde

Marquise Knox, « Man Child », 10-12/12/2007, APO.

Marquise avait seize ans au moment du disque, dit la pochette, ça rassure pour l’avenir. En tout cas, c’est pas à la voix que ça se sent. C’est une voix impressionnante et forte. Il est aussi très bien accompagné (Michael Burks à la guitare). Vite le prochain, damn!

28_m_knox_vmonde

Jimmy Rushing, « The Scene Live In New York », avec Zoot Sims et Al Cohn, 1965, HighNote (2009).

J'ai toujours eu de la tendresse pour Jimmy Rushing (ça boucle la boucle, en plus), ici, jazz et blues se donnent la main, Zoot et Al semblent vouloir faire fondre les fusibles, c'est souple et épais, mais ça file!

29_j_rushing_vmonde

~

 

Sources : L'Encyclopédie Du Blues de Gérard Herzhaft, et les pochettes.

(Je m'excuse auprès de Muddy Waters, un autre chanteur d’opéra égaré qui traite sa guitare comme un violon, les Stones et les Animals et d’autres « jeunes » Anglais qui nous ont mené vers le blues, Willie Dixon, producteur et bassiste généreux, consensuel et révolté (il a refusé d’entrer dans l’armée et le FBI l’a serré pendant des années), Miles Davis, Charles Brown, le bluesman en smoking, J.B. Lenoir, personne n’a osé porter un pardessus en peau de léopard après lui, Fela Kuti (Army Arrangement, par exemple), Linton Kwesi Johnson (LKJ In Dub !), Pink Floyd (Meddle !), Dan Pickett, le bluesman à la guitare folle (elle se débrouillait très bien sans lui), Salif Keita  (Moffou !) et Trini Lopez (à condition de bien viser !), et tout récemment, grâce aux fameuses listes du Vieux Monde : Mal Waldron !)