Le jazz que je préfère (33) Laurent Six
J’ai demandé à quelques amis et comparses d’établir la liste de leurs 25 albums de jazz préférés. (...) Pour voir l'historique de la série, cliquer sur "jazz 25", dans les tags, au bas du présent billet. Pour le mode d'emploi, cliquer ICI.
Aujourd'hui : Laurent Six
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Bernd Alois Zimmermann, « Requiem für einen jungen Dichter », 1967-1969, Sony.
Pour commencer de très haut. Le titre de cette œuvre de musique contemporaine se réfère aux jeunes poètes qui auraient vécu le demi-siècle 1920-1970, en en assumant toutes les tragédies. En superposant différentes couches musicales et temporelles, Zimmermann (1918-1970) affirme la simultanéité dans la conscience humaine du présent, du passé et de l’avenir. Trouvant sa place dans cet ambitieux collage, le quintette d’Alexander von Schlippenbach y donne sa voix au jazz.
Thelonious Monk Quartet, « Misterioso », 1958, Riverside.
Le seul disque de jazz « moderne » dans la discothèque de mon père. Le seul aussi qui, adolescent, m’ait donné envie d’aller écouter ailleurs. Le piano de Monk m’a dès lors semblé déambuler dans un décor mi-sterioso, à la de Chirico, mi-antique, le nom de Thelonious m’évoquant quelque Grec ancien.
Erroll Garner, « Easy To Love », 1961-1965, Emarcy.
Pour ses intros.
Modern Jazz Quartet, « Dedicated To Connie », 1960, Atlantic (2 CD).
Thelonious Monk, « The London Collection (3 volumes) », 1971, Black Lion
James P. Johnson, « Snowy Morning Blues », 1930 et 1944, MCA.
A écouter en miroir.
Charlie Christian, « The Genius Of The Electric Guitar » 1939-1941, Columbia.
Surtout pour « Seven Come Eleven », « Till Tom Special », « Solo Flight » et « Air Mail Special ».
Bud Powell, « The Genius of Bud Powell », 1950-51, Verve.
Dodo Marmarosa Trio, « Complete Studio Recordings », 1946-1962, Lonehill Jazz (2 CD).
Ahmad Jamal, « The Awakening », 1970, Impulse !
Pour sa façon de faire swinguer le silence.
Cecil Taylor, « The World Of Cecil Taylor », 1960, Candid.
En souvenir d’une écoute nocturne et en boucle de « This nearly was mine ».
Don Pullen, « Evidence Of Things Unseen », 1983, Black Saint.
Brad Mehldau, « The Art of the Trio. Vol. 2: Live at the Village Vanguard », 1997, Warners.
Pour le souvenir d’un pianiste entendu, mais jamais vu, aux Beaux-Arts en mai ’98. Comme Bill Evans, Brad Mehldau peut susciter une réaction d’angoisse chez l’auditeur: on craint sans arrêt qu’il ne tombe la tête la première, et ne disparaisse de l’autre côté du miroir que ses mains déjà traversent. Et puis aussi pour la reprise du thème de « Monk’s Dream » (pl. 3, à 6’45’’).
Bengt Hallberg, « Hallberg’s Surprise or Not even the old masters can feel safe », 1987, Phontastic.
Comme un funambule sur le fil du kitsch.
Giuseppi Logan, « The Giuseppi Logan Quartet », 1964, ESP.
Où est Giuseppe Logan? Là où il a souhaité nous laisser un témoignage de sa créativité.
John Coltrane, « The Complete Africa/Brass Sessions », 1961, Impulse !
On y retrouve la moiteur et la touffeur d’un certain Ellington.
The Ornette Coleman Quartet, « This Is Our Music », 1960, Atlantic /
Mostly Other People Do The Killing, « This Is Our Moosic », 2008, Hot Cup.
In extremis, une de mes dernières découvertes.
Archie Shepp, « Fire Music », 1965, Impulse !
Albert Ayler, « Goin’ Home », 1964, Black Lion.
Pour ceux qui ont peur d’Ayler, deux solutions: rester comme ça ou écouter ce disque – et lire La Marseillaise, petit livre de Nabe paru au Dilettante en 1989.
Charles Gayle, « Touchin’ on Trane », 1991, FMP.
Un des plus touchants hommages à Coltrane et le souvenir d’un récent concert au Beursschouwburg.
The Jazz Composer’s Orchestra, « Communications », 1968, JCOA Records (2 CD).
2e CD. Pour le feu d’artifice de « Preview ».
Aki Takase / Rudi Mahall, « Duet for Eric Dolphy », 1997, Enja.
Et bien sûr, pour de multiples raisons, communes à tous les amis qui ont déjà cité cet enregistrement, mais aussi parce que, sur une photo prise après que la police eut tué dans son lit Fred Hampton, leader des Black Panthers de Chicago, parmi une pile de disques souillée de sang, apparaît sa couverture : « Out To Lunch ! ».
Eric Dolphy, « Out To Lunch ! », 1964, Blue Note.
à réécouter après avoir vu le documentaire d’Agnès Varda, « Black Panthers » (1968) et celui de Howard Alk et Mike Gray, « The Murder of Fred Hampton » (1971).
Accroche Note, « Live In Berlin », 1995, FMP.
Complicité entre jazz et musique contemporaine.
Jimi Hendrix, « Electric Ladyland », 1968, Universal.
Margareth Kammerer & Ruby Ruby Ruby, « The Shadow Of Your Smile », 2009, Zarek.
N’ayant pu choisir parmi tous les enregistrements de Billie Holiday celui qui me plaisait le plus, je propose ce disque d’une inconnue entendu cette année dans une librairie de Bologne la Rossa.
Art Tatum, « The Tatum Group Masterpieces. Vol. 6 », 1956, Pablo.
Un clin d’œil à notre hôte…
Lennie Tristano, « Lennie Tristano / The New Tristano », 1955, Rhino/Atlantic.
Pour son « Requiem ».
Jacques Réda, « L’improviste. Une lecture du jazz », 1990, Gallimard/Folio.
« (…) il semble que le jazz ait toujours voulu être plus ou autre chose que lui-même. » (p. 14)
John Cage, « 4’33”», 1952, Peters.
4’33’’ de silence pour sortir et entendre le swing de la vie
4’33’’ de silence pour s’isoler et écouter la basse continue du sang qui circule dans notre corps
4’33’’ d’absence de silence