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le vieux monde qui n'en finit pas
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26 janvier 2011

Lectures pour tous : Ossip Mandelstam

ossip_mandelstam« Les portées ne caressent pas moins l'œil que la musique elle-même ne flatte l'oreille. Les noires sur leurs échelles montent et descendent comme des allumeurs de réverbères. Chaque mesure est une petite barque chargée de raisins secs et de muscats noirs.

Une page de musique, c'est d'abord une flottille à voiles rangée en bataille, puis un plan selon lequel sombre la nuit organisée en noyaux de prunes.

Les chutes fantastiques des mazurkas de Chopin, les larges escaliers à clochetons des études de Liszt, les parcs de Mozart aux treilles suspendues, tremblantes, à cinq fils de fer, n'ont rien de commun avec le buisson nain des sonates de Beethoven.

Les villes de mirage des signes musicaux surgissent comme des petites cages d'étourneaux dans de la résine bouillante.

Le vignoble des notes de Schubert est toujours becqueté jusqu'aux pépins et battu par la tempête.

Quand des centaines d'allumeurs de réverbères courent çà et là dans les rues, suspendant des bémols à des crochets rouillés, fixant les girouettes des dièses, faisant descendre des enseignes entières de mesures  grêles, c'est certainement Beethoven. Mais quand la cavalerie des huitièmes et des seizièmes avec des panaches de papier, des fanions et des petits étendards s'élance à l'attaque, c'est encore Beethoven.

Une page de musique, c'est la révolution dans une vieille ville allemande. »

Ossip Mandelstam, Le Timbre égyptien, 1928, Le Bruit du temps (2009),
traduit du russe par Georges Limbour et D.S. Mirsky

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