Lectures pour tous : Éric Chauvier
« Un journal hebdomadaire de la capitale a consacré un article qui se référait explicitement au monde périurbain de ce pays en relevant sa mocheté*. Nous avons compris, bien sûr, que l'usage de l'adjectif "moche" renvoyait, pour ce journal humaniste, à une provocation, destinée à remuer les consciences assoupies, trop habituées à vivre au milieu de ces enseignes publicitaires, bâtiments commerciaux informes, couleurs criardes, ronds-points, hypermarchés, etc. Mais nous avons aussi été troublés par ce jugement de classe qui faisait de notre zone périurbaine un monde évaluable a la seule mesure esthétique de leur monde à eux. Qui sont-ils, ces journalistes centralisés pour décréter la laideur de notre périurbanité ? Qui sont-ils pour porter ce jugement qui, en suggérant de raser notre cadre de vie pour reconstruire je ne sais quel Eden, le rend indigne d'être étudié comme une tribu amazonienne ou une secte dangereuse ? »
« Après avoir longuement parlé entre nous de certaines choses qui nous semblaient absolument insupportables, certaines choses qui avaient trait au jugement porté par ce journal, et concevant l'injustice, l'ineptie et le mépris de classe intolérable de ces mots écrits à l'encontre du monde périurbain et, par là, à notre endroit, nous avons décidé de faire part de notre dégoût à un architecte de notre connaissance. Il a confirmé tout ce que nous pensions, que l'accusation de "mocheté" était véritablement insensée, une authentique méprise au moment de comprendre l'existence de ceux qui, ici, composent chaque jour la vie périurbaine, laquelle "constitue un véritable plan de civilisation", a-t-il ajouté. »
Éric Chauvier, Contre Télérama, Allia, 2011
*Télérama n°3135.