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7 mai 2011

Scream, du frisson à la répétition ludique

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Du frisson originel à la répétition ludique

« La sortie de Scream 4, de Wes Craven, habile mise en abyme du film d'épouvante contemporain, semble tomber à pic pour favoriser une réflexion sur l'évolution du genre. A partir de quand une forme cinématographique commence-t-elle à se contempler elle-même, à entrer dans une phase d'épuisement de son énergie pour devenir son seul et unique sujet ?

« Susciter la peur du spectateur est une entreprise aussi vieille que le cinéma lui-même, et la rhétorique de l'épouvante filmée s'est elle-même transformée au fur et à mesure de la mutation du public, passé d'une naïveté originelle à une attitude plus cynique, ou, du moins, plus incrédule. Aux mythes romantiques s'est progressivement substitué un sentiment "moderne" de l'absurde de l'existence avec le surgissement des tueurs psychopathes, hommes ordinaires devenant monstrueux, plongés dans un environnement implacablement réaliste, alors même que la violence devenait elle-même plus visible, jusqu'à l'hyperréalisme du gore.

« Tout cela s'incarne dans une lignée de titres depuis le séminal Psychose (1960), d'Alfred Hitchcock, déclinée sous plusieurs formes: de L'Etrangleur de Boston (1969) de Richard Fleischer, à la série des Vendredi 13, en passant par Massacre à la tronçonneuse (1974) de Tobe Hooper, et La Nuit des masques (Halloween, 1977) de John Carpenter.

« A partir du succès de ce dernier titre, une grande partie des thrillers hollywoodiens s'est évertuée à reproduire la même et unique structure: les films sont construits autour de l'addition de scènes chocs et de la répétition d'un nombre limité de situations. Délaissant l'invention des grands récits, ils ne fonctionnent que sur d'infimes variations autour de la mise en scène éprouvée de moments destinés à susciter le sursaut du spectateur.

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Scream 2

« Il semblerait que, contrairement à d'autres genres (le western, le récit d'aventures ou le film noir), le film d'épouvante, peut-être parce que sa forme actuelle est historiquement récente, sans doute aussi parce qu'il s'adresse surtout à un public adolescent, n'ait pas connu ce moment moderne où il aurait pu être confronté à une relecture critique de ses mythes et de ses fondements.

« En privilégiant la sensation pure, le film d'horreur est passé directement d'un âge classique à un âge postmoderne, d'une ère de la production à une ère de la programmation, c'est-à-dire à un moment où l'agencement et la combinaison de références et de situations comptent plus que leur invention et leur signification elles-mêmes.

« La série des Scream met en scène, depuis 1996, des personnages amateurs de films d'horreur. Ceux-ci passent leur temps à en décrypter, de manière ludique, les codes avant de devenir eux-mêmes des silhouettes du genre. Cette série, contrairement aux apparences, ne correspond sans doute pas à un moment particulier à partir duquel le cinéma d'horreur deviendrait conscient de soi - il y a fort à parier que cette conscience de soi est enracinée depuis longtemps dans l'esprit des fabricants de frissons hollywoodiens -, mais plutôt à l'instant où cette conscience de soi s'exprime désormais directement, proposant à la fois une émotion cinématographique particulière mais aussi le mode d'emploi de cette émotion. Tout cela ne se concevrait que dans l'objectif de maintenir une forme à ce point épuisée qu'elle ne se renouvellerait plus qu'en dévoilant ses secrets.

« Au-delà, pourtant, de la série réalisée par Wes Craven, le cinéma hollywoodien contemporain semble être devenu une réflexion théorique sur ses propres codes. Les scénaristes, sortis souvent eux-mêmes de l'enseignement universitaire du cinéma, inventent des situations nées d'une mémoire préexistante du spectateur non plus de la réalité mais des images elles-mêmes.

« Dans Scream, la reproduction apparemment illimitée des situations, des meurtres et des assassins devient ainsi l'expression d'une pensée, à la fois amusante et pertinente, sur la reproductibilité industrielle des clichés eux-mêmes. Et si Scream était une réflexion sur l'histoire de l'art ? »

Jean-François Rauger (Le Monde)

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Scream 4

[Je remercie JFR]

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