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le vieux monde qui n'en finit pas
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24 septembre 2011

Contre la peine de mort, toute les peines de mort

[Lu sur le blog de Gaëlle-Marie Zimmermann [clic], cette chronique qui ne lui fait pas que des amis, si l'on en juge par les commentaires haineux que son texte lui a valu, çà et là. Une bonne raison de soutenir la demoiselle et de relayer sa prose. En remerciant l'indispensable Gashade.]

~

Comment être un bon condamné à mort ?

« Hier, l'internet mondial découvrait avec stupéfaction qu'aux USA, la peine de mort existe, sans que ça ne dérange particulièrement Obama (Barack Obama, profession : sauveur du monde).

« Et pendant une trentaine d'heures, l'internet, volant au secours des opprimés et des victimes du système, a vibré, pleuré, supplié, pétitionné et pesté comme un seul homme contre l'ignoble, l'inconcevable, l'inhumain: l'assassinat légal d'un homme.

« Non, je ne suis pas ironique: je suis contre la peine de mort. De façon absolue et définitive. Pour un tas de raisons très ennuyeuses, je suis fermement opposée à l'exécution d'un être humain par d'autres. C'est ce qu'on pourrait appeler un principe, si on veut dégainer les grands mots.

« Militants de la première heure ou indignés de dernière minute, la communion passionnée autour de l'exécution de Troy Davis a donc soulevé des montagnes. Enfin presque. Parce que Troy Davis a finalement été exécuté.

« Et Troy Davis, ce malheureux, n'était peut-être pas coupable: le dossier était plein de failles. Et puis il a clamé son innocence jusqu'au bout. Il a dit qu'il n'avait pas d'arme, que ce n'était pas sa faute. Il a demandé à Dieu de bénir ses bourreaux.

davis_brewer

« Troy Davis vs Laurence Brewer

« Oui, Troy Davis était vraiment un bon condamné à mort. Sympathique et tout. Et la mobilisation a été à la hauteur des doutes pesant sur sa culpabilité. L'homme est devenu un symbole de la barbarie que représente la peine de mort. Une sorte de martyr.

« Alors que Laurence Brewer, comme symbole, bof. Laurence Brewer, ça vous parle? Non? Mais si, voyons: il a été exécuté quelques heures avant Troy Davis. Au Texas. Laurence Brewer était un mec un peu moins vendeur, en termes de capital sympathie. Bon, faut dire qu'il était membre du Ku Klux Klan, ce qui n'est pas forcément un atout pour se faire des potes brandissant des pancartes contre la peine de mort. Et puis Laurence Brewer, il n'y met pas du sien non plus, soyons lucides: il a été condamné à mort pour un meurtre "raciste".

« Laurence Brewer, c'était vraiment le gars qui avait des convictions, en plus, et ça n'a pas arrangé son cas. Le mec droit dans ses bottes de facho. Pour preuve, interviewé par une chaîne de télévision de Houston au sujet de son crime, il a déclaré: "A vrai dire, je referais la même chose".

« Par "la même chose", Brewer entendait bien sûr "emmener en balade James Byrd, un mec noir handicapé, le torturer, puis l'enchaîner derrière sa camionnette et le traîner sur la route sur trois kilomètres environ, jusqu'à ce qu'il meure, décapité après que sa tête eut heurté un muret".

« Médiatiquement, ça passe plutôt mal, et on peut le comprendre. D'ailleurs, Gloria Rubac elle-même (membre du mouvement pour l'abolition de la peine de mort au Texas) reconnaît que Brewer n'était pas "quelqu'un de sympathique". Et Google est bien d'accord avec elle.

« Coupable de meurtre, antipathique, raciste, tortionnaire, pas repentant, Laurence Brewer était un véritable empêcheur de militer en rond, que son âme repose en paix.

« Alors que Troy Davis, peut-être innocent, pacifique, sympathique, écrivant des lettres et clamant son innocence, fut un vrai cadeau pour les militants.

« Loin de moi l'idée de contester la stratégie médiatique qui a porté Troy Davis sur le devant de la scène. Pour défendre une noble cause, la fin justifie parfois les moyens. Et Laurence Brewer était difficile à médiatiser: il aurait sapé la plus fervente mobilisation.

« Mais le fait que la ferveur abolitionniste en matière de peine de mort prenne en compte l'innocence d'un condamné me paraît illogique, dans le cadre de la cohérence des convictions. Étant opposée à la peine de mort, de façon absolue, générale et impersonnelle, je regrette qu'hier, on ait si peu parlé de Laurence Brewer.

« Cela soulève la question suivante: comment être un bon condamné à mort? Comment mériter la compassion subjective et personnalisée de centaines de milliers de gens? Il faut être un Troy Davis. Il faut pouvoir provoquer, dans l'esprit des militants, une identification entre le crime, le criminel, les familles, les militants. Il faut du remords, du doute, de l'empathie.

« Alors j'essaie. J'essaie vraiment de m'identifier. A la victime, au criminel, aux militants, je ne sais pas trop.

« Mais ce que je sais, c'est que j'ai fermé les yeux, et que j'ai visualisé le calvaire de James Byrd. Je l'ai imaginé torturé par Laurence Brewer. J'ai tenté de me représenter le moment où Brewer l'a enchaîné à la camionnette. Et le choc du crâne de Byrd contre la route, et son corps ensanglanté traîné sur trois kilomètres. J'ai pensé à des lambeaux de peau qui se détachent. Au bord de la nausée, j'ai voulu imaginer la tête de Byrd se détachant de son corps après avoir heurté ce muret. Et puis Brewer et ses deux copains qui se débarrassent du corps, ou de ce qu'il en reste.

« C'était vraiment répugnant d'imaginer tout ça. Pourtant, quand j'ai rouvert les yeux, j'étais toujours aussi opposée à la peine de mort.

« Alors Laurence Brewer était un mauvais condamné à mort, ça ne fait aucun doute. Et je comprends que Troy Davis ait constitué une opportunité médiatique plus logique.

« Mais il me semble que la mobilisation sous-tendue par l'innocence ou la culpabilité d'un condamné n'a pas grand-chose à voir avec une prise de position contre la peine de mort dans son principe même.

« La question n'est pas "cet homme mérite-t-il de mourir, eu égard aux circonstances de son crime et de sa condamnation?", mais: "Un homme, quel qu'ait été son crime et les circonstances de sa condamnation, doit-il être légalement exécuté?"

« Je me permets donc d'espérer que la mobilisation des jours précédents n'était pas seulement une mobilisation contre l'exécution de Troy Davis, mais contre la peine de mort elle-même. Pour être franche, j'en doute un peu. »

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Commentaires
G
>anita: je parlais du commentaire sur le blog de Gaëlle-Marie Zimmermann, à savoir:<br /> "Liliane Langellier a posté le 23-09-2011 à 12:32"<br /> <br /> mais, nous sommes bien d'accord que le 1er commentaire, ici, signé Yves est le genre de truc qu'on sait pas par quel bout attraper, vous savez, y'a une expression grossière pour ça, mais il reviendra peut-être nous éclairer, Yves.
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A
@gashade. Il me semblait aussi que le premier commentaire était un peu superfétatoire. Qu'est-ce qu'il voulait, Yves ? Qu'on exécute l'homme au patch pour faire bonne mesure ?
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G
merci d'avoir été chercher l'article original cité par Arrêt sur Images, que j'avais même pas été voir, et qui vaut largement d'être lu en entier.<br /> Au départ, sur ASI, article signalant juste le choix de communication de Amnesty, l'original permet d'aller à l'essentiel: l'opposition à la peine de mort est indépendante de la personne du condamné.<br /> <br /> Le 1er commentaire (23/09 12h32) est assez crispant, à user du petit bout de la lorgnette, en descendant, ça devient en gros, bien plus intéressant et va à l'essentiel, quand même.
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V
Beau texte et courageux avec ça. je me suis fait les mêmes réflexions quand j'ai appris, juste avant l'exécution de Davis, l'existence de Brewer. <br /> L'opposition à la peine capitale ne saurait être sélective.
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Y
Autre chose: on a des doutes à propos de la culpabilité de TD, mais on l'exécute quand même. On a des doutes sur celle de DSK, alors on laisse tomber...
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