Yann Le Masson, "J'ai huit ans"
Yann Le Masson a perdu sa dernière bataille. Et tant pis pour le cliché.
Avec le Brestois de Kashima, c'est encore un ami qui disparaît, vaincu par cette saloperie de crabe.
« [Caméraman] sur le tournage d’un film de Robert Hossein dont elle était assistante à la réalisation, j’ai rencontré Olga Poliakoff dont les trois sœurs, Marina Vlady, Hélène Vallier, Odile Versois, étaient les comédiennes principales. Nous nous sommes mariés un peu plus tard. Pour nous, il s’agissait aussi de se battre cinématographiquement. Avec Olga, nous avons ainsi coréalisé J’ai huit ans, mon premier film militant, sur une idée de René Vautier. À partir de dessins d’enfants algériens réfugiés en Tunisie, le film visait à faire entrer le spectateur dans l’univers traumatisé de ces gosses, faisant rimer atrocement le mot "France" avec les mots "tuer", "brûler" ou "torturer". La partie de ce film correspondant aux prises de vues réelles a été tournée en Tunisie par René Vautier et moi-même. En cours de réalisation, une seconde série de dessins furent réunis et les témoignages des enfants enregistrés par Olga à la frontière algéro-tunisienne. Le montage fut mené en collaboration avec Jacqueline Meppiel. Sa première projection eut lieu à Paris le 10 février 1962, sans précautions, sans autorisation, sans faux-fuyants, pour une cinquantaine de personnes. Ce même jour, les salles d’exclusivité affichaient Jules et Jim, Don Camillo Monseigneur, Vie privée, Adorable menteuse, Diamants sur canapé et Milliardaire pour un jour. L’avant-veille, c’était Charonne. Parrainé par le Comité Maurice Audin, le film circula ensuite clandestinement dans toute la France, par dizaines de copies, et fut vu par des dizaines de milliers de personnes alors que l’OAS plastiquait à Paris comme à Alger. »
Yann Le Masson, Le Baobab, in coffret "Yann Le Masson (Caméra samouraï)", Montparnasse, 2011.
Yann Le Masson et le travail d'édition de ses films opéré par le camarade Leboutte (que je remercie encore une fois ici) ont déjà été évoqués ICI, ICI (extrait de Kashima Paradise) et ICI (beau texte de Chris Marker).