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19 février 2012

Guerre d'Algérie : Rééditions Minuit 4

Pour accompagner la lecture de cette réédition de L'Affaire Audin de Pierre Vidal-Naquet, il est indiqué de visionner le film de François Demerliac, Maurice Audin. La Disparition (2010) que Montparnasse vient de publier en DVD.

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minuit vidalnaquet

Le mot de Minuit :

Le 11 juin 1957, Maurice Audin, mathématicien, assistant à la faculté des sciences d’Alger, membre du Parti communiste, était arrêté par les parachutistes du 1er RCP [Régiment de chasseurs parachutistes]. Le 21 juin, selon ses gardiens, il se serait évadé. Nul ne l’a plus revu vivant et Henri Alleg, l’auteur de La Question, fut un des derniers à l’avoir vu pendant sa détention, alors qu’il venait d’être torturé. Jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie et au-delà, face à la justice, les auteurs de ce rapt maintinrent, général Massu en tête, qu’Audin s’était effectivement évadé. Un comité Audin se constitua à Paris et décida de faire une enquête. En mai 1958, Pierre Vidal-Naquet, dont ce fut le premier travail historique, publiait, aux Éditions de Minuit, L’Affaire Audin. Il y démontrait que l’évasion était une imposture et émettait l’hypothèse qu’une comédie avait, effectivement, été jouée, dans laquelle un officier de parachutistes avait joué le rôle principal. Quant à Maurice Audin, il était mort au cours d’une séance de tortures. Il n’était pas un musulman que l’on pouvait passer par profits et pertes, il fallut bien camoufler sa mort. L’enquête judiciaire, menée d’abord à Alger, fut transférée à Rennes, où fut jadis jugée l’affaire Dreyfus, et se prolongea jusqu’en 1962. 

Dans le présent livre, l’ouvrage de 1958 est réimprimé intégralement, avec quelques précisions supplémentaires. Pierre Vidal-Naquet a eu accès non seulement aux dossiers des enquêtes successives, mais aux archives conservées sur cette affaire au ministère de la justice. Ces archives permettent, pour la première fois, de faire l’histoire de l’affaire, avant le délai habituel de cinquante ans. On verra donc non seulement comment Audin a disparu, comment l’enquête confirma l’hypothèse de 1958, mais surtout comment l’autorité judiciaire, du juge d’instruction au ministre, en passant par les procureurs généraux, réussit à éviter que ce crime soit jamais jugé.

Ce livre est donc l’histoire tout à la fois d’un meurtre et d’un déni de justice. Le meurtrier, un lieutenant de l’armée française, qui étrangla Maurice Audin le 21 juin dans l’après-midi, prit sa retraite comme colonel, en 1981, avec le grade de commandeur de la Légion d’honneur.

L’affaire Audin ne fut pas l’affaire Dreyfus et la vérité ne triomphe pas, mais elle fut, en un sens, plus: le révélateur d’une société démocratique en crise. Par-delà la guerre d’Algérie, la mort d’Audin nous concerne tous, encore aujourd’hui.

[Réédité en février 2012 par Minuit, à l'occasion du 50e anniversaire de la fin de la guerre de libération de l'Algérie.]

couverture de l'édition originale :

minuit vidalnaquet2

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