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le vieux monde qui n'en finit pas
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3 mars 2012

Salut à Pierre Guinle

 

Rissient-Guinle2

Si j'avais partagé sa passion pour la Légion étrangère, j'aurais pu parler de Pierre Guinle comme d'un inoubliable compagnon de chambrée. C'était plutôt un complice cinémaniaque, notre voisin de toujours dans les salles obscures (cinémathèques, festivals, studios et multicomplexes, il voyait tout), un cinéphile à l'ancienne - oui, je sais, la formule fait ricaner les jeunes cons pour qui le cinéma d'avant J.-C. (James Cameron) appartient à la préhistoire - très proche de la bande du McMahon et de Présence du cinéma, période Mourlet-Lourcelles. Puisque nous avions des opinions arrêtées sur tout, nous étions souvent en désaccord (il y a quinze jours, il m'avouait son enthousiasme pour The Descendants, s'être ennuyé à la projection de Take Shelter, et avoir rapidement perdu le fil de Tinker Tailor Soldier Spy), et les polémiques étaient rudes, d'autant qu'il détestait les chiens, même dans les films (je me rappelle une projection de The Thing de Carpenter d'où il était sorti verdâtre), qu'il exécrait la Nouvelle Vague, qu'il abominait tout ce qui milite à gauche de Marie-France Garaud, et que les attentats pâtissiers le mettaient hors de lui (mais il était pote avec Noël). Qu'importe. Il était, depuis trente ans, un des six ou sept zigotos de Bruxelles avec qui on pouvait disserter à l'improviste de Cottafavi et d'Ulmer, de Dwan-Walsh-Tourneur et de Freda, de Guitry, de Daves et de Matarazzo, de la restauration de films muets opérée à Bologne, à Syracuse (NY) ou à Pordenone, ou du film autrichien des années dix qui ne passait qu'une fois sur Arte, qu'il avait inexplicablement loupé et qu'il vous maudissait d'avoir omis d'enregistrer. Ce râleur forcené à la Noël Roquevert était un puits d'érudition et un archiviste fou, d'une générosité totale dès qu'il s'agissait de la mémoire du cinéma. (Ainsi m'avait-il confié, inestimable cadeau, ses fiches manuscrites sans lesquelles nous ne serions pas venus à bout de la filmo de Edgar G. Ulmer, le bandit démasqué). Notre amitié terrible et paradoxale s'est achevée brutalement lundi dernier, lorsque Pierre a été débarqué par une soudaine embolie pulmonaire. Ses envolées rigolardes contre les anars et les gauchistes vont nous manquer.

[Photo: Pierre Rissient et Pierre Guinle au dernier festival d'Amiens (novembre 2011). Laurent Chollet, qui nous l'a fait parvenir, achève ces jours-ci le montage d'une série et d'un film documentaires, Cinéphiles de notre temps, 1942-2012.]

detour-credit

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Commentaires
M
J'ai travaillé avec lui pendant quelques années. Il traduisait à partir de 11 langues. Je me souviens qu'il quittait le bureau et allait au cinéma pratiquement tous les jours. Je lui avais fait une base de données qui reprenait tous ses bouqins, il en avait des tonnes! C'était un "ours" avec un coeur d'artichaut. Il garde une place toute particulière dans mon coeur*
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S
Comme ancien du Lycée Lakanal, dans la même classe que Pierre,en 1955, j'ai appris avec un an de retard sa mort. J'avais eu la chance de le revoir il y a trois ou quatre ans à la Rotonde pour déjeuner. Il avait 15 ans quand je l'ai connu, était évidemment un fou de cinéma, un surdoué de tout, un homme courtois, mais aussi emporté et moqueur quand c'était nécessaire. Dans la même classe que Alain Ferrari, lui aussi à Présence du Cinéma. Que de films on a vu ensemble et on était aux Champs Elysées, le premier jour de la sortie de Et Dieu créa la femme, il avait le droit, il venait juste d'avoir 16 ans. Il était aussi un passionné de Henri Miller. Un de ces êtres comme il n'y en a plus, passant sur les idéologies qui lui importaient peu. En 1955, ce fut la mort de son père, très âgé, j'ai connu sa mère et sa soeur, et son frère, musicien, rue des Imbergères à Sceaux, dans un maison avec jardin. Il parlait en effet toutes les langues. Inclassable en fait. Il était tout jeune, très mince, et sans barbe bien entendu! Quel personne, quel personnage, quelle personnalité! Joël Schmidt, écrivain, voire site et Wikipédia par Google.
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J
Il y a également ça sur Internet :<br /> <br /> http://www.lesgensducinema.com/affiche_acteur.php?mots=GUINLE+Pierre&nom_acteur=GUINLE+Pierre&ident=91757&debut=0&record=0&from=ok
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T
JPB me rappelait hier une histoire succulente qui illustre les rapports que Pierre entretenait avec le cinéma (et le reste), et son humour.<br /> <br /> <br /> <br /> ""C’est Pierre Guinle qui, un jour où il m’avait vu sortir de la salle de projection de la Cinémathèque bruxelloise avant la fin d’un film ennuyeux, m’avait dit cette phrase admirable: “La cinéphilie, c’est comme la Légion. Quand on s’y engage, c’est pour en baver !’"
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T
Je glisse ici le lien avec le topo d'Edouard (que je salue au passage):<br /> <br /> http://cinoque.blogs.liberation.fr/waintrop/2012/03/mon-ami-pierre-guinle-est-mort.html
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