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le vieux monde qui n'en finit pas
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1 avril 2012

Michel de Ghelderode, rue Lefrancq, il y a cinquante ans mourait

ghelderode portrait

« Ce que je suis ? Je vais vous le dire et c’est très simple. Je suis un homme qui écrit dans une chambre, tout seul, et qui ne s’inquiète pas du destin de ses œuvres, qui ne se laisse jamais troubler par le tapage, l’admiration ou la colère que ses œuvres peuvent un jour susciter. Pour tout dire, un homme qui ne demande rien aux hommes, sinon de l’amitié, quelque tolérante compréhension. » Les Entretiens d’Ostende (juillet 1951, entretiens enregistrés pour la RTF)

~

« 2 juillet. Cette nuit a été marquée par un effroi sous l’empire duquel je me trouve encore. La soirée avait été chaude et belle, toutes les étoiles allumées très haut; mais l’heure avançant, un brouillard était monté du sol, une fumée laiteuse qui couvrait le jardin et ne dépassait pas la hauteur des murs, laissant visible et les astres et les arbres. Cette brume portait en soi les relents déjà sentis: la jugeant malsaine, je fermai les fenêtres et la porte. Couché sur mon divan, j’entrepris une lecture plutôt destinée à m’endormir qu’à me distraire, à la lueur de la bougie, tandis que que Mylord restait assis dans le fauteuil, contre la fenêtre, regardant dehors, obstinément, bien qu’il n’y eût rien d’autre à voir que les feux follets sur l’écran du brouillard. Je dus m’endormir. Des abois furieux m’arrachèrent au sommeil au moment que la bougie, achevant de brûler, faisait éclater la bobèche. Mylord sautait sur moi, puis bondissait vers les fenêtres, et la chambre répercutait ses abois, le vacarme de dix chiens dans les ténèbres. C’est alors que l’effroi me glaça. On me regardait du dehors, contre la vitre: quelqu’un regardait, indifférent à la colère du chien, et dont je ne voyais que les yeux terribles, hypnotiques: deux prunelles fascinatrices qui me parurent d’un démon, qui ne pouvaient appartenir qu’au Démon. J’ai crié des mots conjuratoires, car comment se défendre contre cela?… Alors les yeux se sont éteints, d’un coup. Le chien s’est tu, mais il est resté en position d’attaque, jusqu’à l’aube, grondant intérieurement. L’effroi est peu à peu sorti de mon corps, en une sudation froide. Que serait-il arrivé si j’avais laissé ouverte la porte? Elles sont vieilles comme le monde, ces histoires de vampires qui se couchent sur vous et sucent votre sang! On n’y croit plus, évidemment. Moi non plus. Néanmoins, je fermerai désormais soigneusement les fenêtres et les portes, je collerai du papier sur les vitres. Ne serait-ce pas prudent aussi d’avoir quelque secours à portée de main, de l’eau bénite, par exemple, pas moins nécessaire qu’une arme à feu – car nous serions bien naïfs de croire que nos pires ennemis n’appartiennent qu’à l’espèce humaine, ne sont que contemporains, et que leurs agissements doivent être nécessairement visibles ou prévisibles!… » Michel de Ghelderode, Le Jardin malade, in Sortilèges (Gallimard, "L’Imaginaire" n° 568)

L'auteur de La Balade du grand macabre est mort le premier avril 1962, dans la maison qu'il occupait depuis plusieurs décennies au 71 rue Lefrancq, à Schaerbeek (Bruxelles). Une plaque le rappelle aux passants qui, pourtant, s'en foutent. [Si cela intéresse quelqu'un : la maison du 72 est mise en vente.]

ghelderode plaque

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Commentaires
E
Vraiment en vente?
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