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le vieux monde qui n'en finit pas
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10 mai 2012

Lectures pour tous : Dorothy M. Johnson

dorothy johnson

« Bert Barricune mourut en 1910. Une douzaine de personnes à peine assistèrent à ses funérailles. Parmi elles, un jeune reporter enthousiaste qui espérait trouver matière à un papier d’intérêt humain; des légendes couraient sur le défunt, qui aurait été un as du revolver en son temps. Quelques hommes vieillissants entrèrent sur la pointe des pieds, seuls ou par deux, la mine renfrognée et l’air crispé, serrant dans leurs mains leurs chapeaux bosselés – des hommes qui s’étaient saoulés avec Bert, qui avaient joué au poker du pauvre avec Bert, pendant que le temps les oubliait. Une femme se montra, portant une lourde voilette noire qui dissimulait son visage. Des mèches blanches et jaunes étaient visibles dans ses cheveux teints en noir. Le reporter prit note mentalement: une ancienne petite amie du Vieux Quartier. Mais rien à tirer de ça – impossible de mentionner cette anecdote.

Un par un, ils défilèrent devant le cercueil, regardant le visage figé du vieux Bert Barricune, qui n’avait été personne. Ses cheveux en brosse étaient blancs, sa figure ridée aussi vide que sa vie l’avait été. La mort, cependant, y avait ajouté de la dignité.

Une grande gerbe s’étalait derrièr le cercueil. Sur la carte, on lisait: "Sénateur et Madame Ransome Foster". Il n’y avait pas d’autres fleurs, excepté quelques boutons pâles et sans feuilles, roses et jaunes, éparpillés sur le tapis recouvrant le pas de la porte et qui passaient presque inaperçus. Plissant les yeux, le reporter finit par les identifier: nom d’un fusil ! Des boutons de figuier de barbarie. Des fleurs de cactus. Cela paraissait approprié pour le vieux – des fleurs qui poussaient sur les terres en friche de la prairie. Bon, c’était gratuit pour ceux qui se donnaient la peine de les ramasser, et les amis de Barricune n’avaient pas l’air fortunés. Mais pourquoi le sénateur avait-il envoyé une couronne ? »

Dorothy M. Johnson, L'homme qui tua Liberty Valance, 1949
[trad. de Liliane Sztajn, dans le recueil Contrée indienne, Jean-Claude Lattès, 1986]

liberty

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