Lectures pour l'été : Alexis Gloaguen (1)
De retour d’un long séjour aux Amériques d’où il nous envoya un bon livre, Les veuves de verre (Nadeau le publia en 2010), le Finistérien Alexis Gloaguen vient de passer cinq mois en résidence dans le sémaphore du Créac’h, sur la face nord d’Ouessant. L’expérience lui inspira La chambre de veille¸ formidable divagation littéraire entre documentaire poétique et violent évoquant certains films muets de Jean Epstein (son « cinéma marin », bien sûr) et une sorte d’ethnographie sentimentale, à la limite du mélodrame, rappelant les meilleurs Philibert (pour parler toujours cinéma). Le tout dans une langue d’une simplicité magnifique qui renvoie les chichiteuses du moment à leurs études de grammaire. Cet été, qui cherche trouve La chambre de veille (180 pages, 19 €) chez les libraires qui s'honorent de diffuser les productions Maurice Nadeau. Après, ce sera la rentrée et vous aurez oublié.
« Les gwaskedou sont des abris à moutons aux formes d’étoiles à trois branches: des murets permettant toujours aux animaux de se glisser sous les vents dominants. Parfois ces longs alignements de rocs à lichen ouvrent leurs angles et, réunis par une extrémité, semblent les tarses d’oiseaux géants, posés sur la terre. Parfois, dans leur partie éloignée, s’embranchent les empennages qui autrefois délimitaient des jardins, mais, par ces temps de friches, se multiplient en digues de vent. Ces muretins connaissent aussi des creux là où la pierre glisse dans la dissolution de la tourbe. Écrêtés, on les retrouve au bas des pentes en report de gneiss et de granite blanc. C’étaient les femmes qui les construisaient en levant les galets depuis les grèves, coupaient les mottes et les disposaient pour lier les roches entre elles et mettre leur ouvrage hors vent. Leurs lignes se greffent aux entablements qui soulèvent le rivage, et disent l’hommage du labeur humain à la nature qu’il prolonge. »
[On vous en lira un autre extrait après-demain, car il y a beaucoup à dire sur les Ouessantines. Si vous n’êtes pas vautrés dans vos congés payés, entretenant vos mélanomes sur les plages mazoutées et les terrasses de bistrot des villes du grand Sud-Ouest.]