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le vieux monde qui n'en finit pas
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27 juillet 2012

Lectures pour l'été : Alexis Gloaguen (2)

[Cf. ICI]

gloaguen

« Les hommes – sauf les rares jeunes – étaient partis trop longtemps. Après une courte lune de miel au retour, la retraite leur était difficile. Toujours à gêner à la manœuvre de la maison, ils devenaient presque des intrus. Beaucoup de couples, ayant vécu en veille éloignée, n’’arrivaient plus, sur le tard, à se faire. Les maris, évanescents, ne trouvaient ni consistance ni place chez eux. C’était les femmes elles-mêmes qui construisaient la maison autour des mâts trouvés, comme en atteste la beauté des ruines anciennes. Les hommes, bons à tout sur un bateau, à terre n’étaient bons à rien. Une certaine idée de la virilité leur faisait mépriser les travaux du sol. N’ayant pas de lieu, ils restaient nomades de l’intérieur. À leurs propres yeux ils n’avaient ni caps ni points de repère autres que ceux de la mémoire et des paradis faciles.

~

« Dans cette socitété de femmes, quand un homme est abandonné, il n’existe plus. Les suicides d’hommes sont de ceux que les femmes ont laissés. Ils se déclinent en terreurs que l’on ne doit pas décrire. On pense à cette Ode to Billy Joe où la chanteuse Bobbie Gentry, depuis les Appalaches, rejoignait singulièrement cette société agricole: chanson où, entre deux bouchées à la table familiale, entre deux commentaires sur les récoltes à faire, on mentionnait le saut inexplicable d’un jeune voisin dans la rivière Tallahatchie. Au coin de la table, une jeune fille, la narratrice-chanteuse, baisse la tête. Elle sait qu’ils avaient tous deux jeté un paquet dans la rivière quelques mois auparavant. Pièce à conviction, bébé mort-né. Et son amant venait de suivre. Le mystère de cette chanson est insondable dans ce qu’il dit de la banalité sacrée de la mort et de la portée du désespoir. »

Alexis Gloaguen, La chambre de veille, Maurice Nadeau, 2012

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