Philippe Arnaud (1952-1996)
Le 19 octobre 1996, notre bel et élégant ami Philippe Arnaud se noyait au large de la Corse.
Le jour même, son dernier livre - placé sous la protection de Mallarmé -
sortait des presses de Yellow Now.
« Quand l'ombre menaça de la fatale loi
Tel vieux Rêve, désir et mal de mes vertèbres,
Affligé de périr sous les plafonds funèbres
Il a ployé son aile indubitable en moi. »
« Cocteau assure que, dans un hôtel de Toulon, un marin nu se branlait en contemplant son reflet et s'embrassa lui-même sur le miroir, ignorant qu'il s'agissait d'une glace sans tain où de l'autre coté et à son insu, Cocteau posa ses lèvres et l'imita. De toutes les raisons d'aller au cinéma, l'une n'est pas moindre où nous rentrons dans cette suspension du monde pour y suivre les avatars qui adviennent à des corps aimés, constituant une galerie intime autour d'une incarnation essentielle. [...] Un âge primitif de la perception a pour moi confondu l'amour des garçons et l'amour du cinéma quand j'ignorais même le sens du mot montage. J'ai donc vu des films assez naïvement persuadé qu'ils détenaient un savoir essentiel sur mon désir, puisqu'ils étaient capables de me proposer la vision de ces corps, et, comme le désir fait voir une incarnation réussie, il déduit, par une soustraction de cette projection, l'ombilic d'une sorte d'incertitude corporelle: c'est dans une nuit partielle et mentale du sentiment de ma propre discotinuité physique, ajoutée à l'obscurité de la salle, que j'assistais à la permanence d'autres corps qui en étaient la pacification. »
Une encyclopédie du nu au cinéma, Yellow Now/Studio 43 (Dunkerque), 1994
[texte repris in Les paupières du visibles, Yellow Now, 2001 (recueil posthume).]
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On lira également avec profit, mais non sans émotion, le "roman familial" de Claude,
le benjamin de Pierre et Philippe Arnaud (2011)