Nos films préférés en 2014 : Sylvie Pierre Ulmann

Décidément mon meilleur film de l’année 2014 ce sera Frontière chinoise (7 Women, 1966) et tout autour, l’œuvre de John Ford toute entière, et bien sûr la belle rétrospective qui est actuellement consacrée à cet immense cinéaste par la Cinémathèque française, sans parler des belles éditions qui sont allées avec, grâce à nos amis dont de courageux guerriers Belges. Il faut dire que ce film m’a donné beaucoup de travail, car c’est un bel enfant, mais un peu difficile, marqué à la naissance par beaucoup de méchantes, ou injustes critiques, et manque d’amour de la part du plus large public. Je ne l’en aime que davantage, voilà, et je te remercie beaucoup, Charles, en l’occurrence, de me donner l’occasion, pour ce film de mon cœur, de faire se rejoindre mes procédures personnelles parfois un peu clivées entre élection et prédilection.

Je dirai tout de même que j’ai hésité: pourquoi, même entre amis, voter pour le passé du cinéma ? Lorsqu’il ne sera plus que du passé et du musée le cinéma sera peut-être mort en tant que champ vivant de création au présent. Affreuse et mortifère perspective à laquelle je me refuse. Donc pour ce qui est des films qui contre vents et marées des difficultés rencontrées par ceux qui les font (de réalisation, production, exploitation, distribution, ou par cette difficulté souvent rencontrée par les artistes pour vivre de leur art), qui ont bien été réalisés en cette année 2014, je signalerai ma très haute estime pour le documentaire de Jean-Louis Comolli (production Gerald Collas et Richard Copans, montage Ginette Lavigne), CINÉMA DOCUMENTAIRE, FRAGMENTS D’UNE HISTOIRE. Comme tu dis, ça, Charles, cela s’appelle « cligner de l’œil à un copain ». Mais au risque de paraître prétentieuse, je dirai que précisément je choisis mes copains, même qu’une fois choisis certains deviennent des amis. Le Comolli, depuis longtemps, fait partie de mes amis parce qu’il travaille comme un fou, et avec beaucoup d’humilité: les grands sujets comme l’histoire (infaisable, à vrai dire) du cinéma documentaire, il s’y attelle avec modestie, mais sans rien lâcher de sa croyance fondamentale concernant le cinéma: c’est un art de l’écriture, qui s’écrit à plusieurs, mais qui ne vaut rien si quelqu’un n’y tient pas, finalement, les commandes, et même le stylo.

Bien à toi cher Charles Tatum

Sylvie Pierre Ulmann

Comments

[Pop9]

Frontière chinoise est un film admirable dont on ne parle guère. Bien content de le voir mentionné ici.