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le vieux monde qui n'en finit pas
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23 septembre 2015

Ode à l'attentat pâtissier, lecture d'utilité publique

J'entends que quelques-uns de nos amis n'ont pas encore connaissance de l'Ode à l'attentat pâtissier. Elle est pourtant visible çà et là dans le magma d'Internet, et mise sur papier depuis belle lurette par de vaillants petits éditeurs --- et elle est bien entendu et totalement "libre de droit". Relisons-la tout bas ou à voix haute, copions-la et diffusons-la, apprenons-la par coeur et tonitruons-la aux repas de mariage et autres vernissages. On peut aussi l'accompagner de jets de crème fouettée sur les arrogants cornichons du moment. La rentrée est passée, mais il n'est jamais trop tard. Sauf erreur, la version que je dépose ici (pour la énième fois je crois) est la version définitive.

***

Ode à l'attentat pâtissier

Vive la lutte armée ! vive l'assassinat !
Vive l'insurrection ! vive la guérilla !
Vivent les explosions que Ravachol signa !

***

Il paraît que, c'est sûr, le ridicule tue.
Tuons donc sans pitié, du premier au dernier,
Les emmerdeurs fliqueux, les gagneurs de deniers,
les intellos foireux aux théories obtues.
Tuons sans plus tarder les sales moucherons
Qui voudraient de l’ennui être les chaperons.
Tuons les empêcheurs de rigoler en rond,
En carré, en ovale, en ce qu’il nous plaira.
Tuons tous ces salauds, ces castrateurs, ces rats,
Tuons dès à présent tous ces vils scélérats.
Tuons les cons, les flics, les collecteurs d’impôts,
Les juges, les bourreaux, les suiveurs de troupeaux,
De tous ces cancrelats trouons vite la peau.
Tuons également des patrons les suppôts
Qui se font, pour trahir, délégués syndicaux.
Tuons les militants, des fachos aux cocos,
Qui prônent pauvrement de pauvres idéaux
Et freinent nos désirs qui montent vite et haut.
Envoyons en passant la calotte au poteau :
Curés, rabbins, pasteurs, tuons ces zigotos
Ainsi que leurs alliés soi-disant marginaux
Dont la stupide foi d'esclaves paranos
Insulte nos raisons de seigneurs surpuissants,
Nous qui sommes tous dieux dans notre propre sang.
Tuons évidemment les gardiens de prisons,
Tous les politiciens, tous ceux dont l’horizon
Est de borner le nôtre à de strictes limites
Qui donnent à bouffer la liberté aux mites.
N’épargnons point, non plus, messieurs les militaires ;
Immolons ces guignols et faisons-les se taire.
N'oublions pas, mourdious ! de tuer les psychiatres
Qui de nos subconscients se déclarent les pâtres.
Tuons tous ceux qui croient qu’un bulletin dans l'urne
Changera le merdier qui nous casse les burnes.
Tuons qui se complaît, pourvu que l’on surnage,
Dans un monde vaseux qu’en vain l’on aménage.
Tuons ce qui concourt par de pâles réformes
À garder nos vécus vassaux des vieilles formes.

***

Il faut, pour réussir, donner à not’ révolt’
Une force d’impact de cent milliards de volts.
Libérons nos passions ! Soyons paroxystiques !
Exigeons des plaisirs hautement frénétiques !
Détruisons et brûlons tout ce qui nous empêche,
De quelconque façon, d’avoir toujours la pêche !

***

Gueulons ! Cognons ! Crachons afin que dans la bave
Se noient les empêcheurs de jouir sans entrave !
Un plaisir permanent est un plaisir ludique :
Refusons fermement tout compromis pudique
Et tapons sans merci, tapons à coups de triques
Sur tout ce qui s'oppose à nos fêtes lubriques !
Exercé ou subi, le pouvoir est infâme ;
De tous ses partisans bouzillons corps et âmes !
A bas ceux qui se plient avec résignation
A mener une vie de mortification !
A bas les défenseurs de l'uniformité,
De la mesquinerie, de la passivité !
A bas tous les devoirs, à bas l'obéissance,
A bas toute vertu, à bas toute abstinence !
A bas ordre et respect, à bas toutes les normes,
A bas ce qui restreint, rapetisse et déforme !
Le travail est un mal, cultivons la paresse :
Au lieu de travailler, couvrons-nous de caresses !
À bas le dévouement, le goût du sacrifice,
À bas la modestie sur laquelle je pisse !
Rions, baisons, vivons, et à bas l’ascétisme
Qui mène tant de gens tout droit au crétinisme !
Mort aux institutions ! Redevenons sauvages !
De tous les pisse-froid décidons le carnage !
Apprenons aux enfants à brûler leurs écoles,
À copuler entre eux, à boire de l’alcool !
Allons d’un pas coquin faire mille conquêtes
Chez les vieux occupants des maisons de retraite :
Avec eux nous ferons de folles bacchanales,
Mettant la joie au cœur, ainsi qu’au trou de balle,
De ces aïeux chenus qui si près de la tombe
Rigoleront enfin tout en faisant la bombe.
Pour combattre l’ennui soyons des flibustiers :
À son abolition donnons-nous tout entiers !
Avec acharnement, ruons dans les brancards :
La guerre est déclarée contre tous les tocards !
Mais n’acceptons jamais de marcher au martyre :
Zut à tous les héros qui rêvent de souffrir !
N’omettons point, crénom ! de jeter bas les grilles
Qui depuis deux mille ans constituent la famille,
Non plus que les ghettos de rigueur carcérale
Que sont les prétendues communautés tribales !
Proclamons qu’à tout coup la femme devient moche
Quand elle est transformée en pondeuse de mioches !
Il arrive parfois que lors de quelque crime
De son propre bourreau complice est la victime ;
N’ayons donc en ce cas nulle pitié pour elle,
Qui n’est à ses dépens qu’une bête cruelle.
Nous n’avons pas en nous les élans masochistes
Des libéraux tarés et des sots humanistes :
Soyons intolérants ! Vive le terrorisme !
Nous irons jusqu'au bout de ce jusqu’au-boutisme,
Balayant devant nous ceux qui n’ont d’autre envie
Que de s’enquiquiner en disant : « C’est la vie ! »
Nous voulons justement que la vie soit la fête,
Et pour y parvenir nous ferons place nette,
Nous sommes impatients, il est urgent de vaincre :
Nous n’avons pour l’instant pas le temps de convaincre.
Haro sur l’ennemi ! Sautons-lui sur le râble !
Pas de juste milieu ! Soyons déraisonnables !

***

Je crains que sur ce ton je ne m’égare (de l’Est),
Oubliant de lâcher, si j'n’y prends gard', du lest.
Il me semble évident, pour abattre la bête,
Qu’il faut soigneusement la viser à la tête.
Il est donc décisif que les prioritaires,
Parmi tous les gredins qu’il faut jeter à terre,
Soient ceux qui voudraient bien penser à notre place.
De les tuer d’abord, ceux-là, ayons l’audace
Car ces flics du cerveau, gourous ou bien artistes,
Philosophes gâteux et démagogues tristes,
Sont les propagateurs de la peste mentale
Dont la néfaste action est hélas capitale :
Ils volent nos loisirs, ils justifient l'ennui,
Ils crachent leur poison le jour comme la nuit.
Tel qu'il est pratiqué, l'art est une imposture.
Il faut l'éliminer : l'art est mort ! en voiture !
Le seul art, à mes yeux, digne d'être accepté
Devrait être jouissif, plein de vitalité,
Audacieux, passionné, enthousiaste et follingue,
Qualitatif, juteux, positivement dingue,
Inventif, raffiné, sophistiqué, primaire,
Malpoli, virulent et révolutionnaire.
Inventons et créons notre propre culture :
En dehors de tout cela, tout est littérature.
A tous nos ennemis, faisons fair' la culbute.
Assénons-leur des coups ! des coups tous azimuts !
Des coups durs, des coups bas, des coups du pèr' François !
Il faut que chaque coup que l'ennemi reçoit
Soit fatal, meurtrier, radical et terrible.
Mais comment les tuer, les infects, les horribles ?
En leur flanquant des coups plus forts que ceux d’Hercule,
Des coups sans rémission : des coups de ridicule.

***

À moi Pieds Nickelés, Abbott et Costello,
Et Laurel et Hardy, mes amis, mes poteaux !
Placée entre vos mains toute tarte à la crême
Se mue magiquement eu une arme suprême.
Rondid’jiu ! gloire à vous et gloire à Mack Sennett !
Vous avez inventé, je l’affirme tout net,
L’attentat culturel le plus croquignolet,
Le plus tord-boyautant, le plus ollé-ollé,
L’attentat le plus gai auquel on s’est hissé :
C’est à vous que l’on doit l’attentat pâtissier,
Cet attentat farceur, cet attentat de rêve,
Cet attentat dont nul, jamais, ne se relève.
N’importe quel crétin, lorsqu’il est entarté,
Est comme mort, occis, à jamais écarté ;
Il est atteint, de fait, au point le plus sensible,
À savoir son honneur, qui a servi de cible.

***

J’ai pour ma part, ma foi, voici quelques années,
Entrepris vaillament une ferme croisade
D’attentats pâtissiers teintés de rigolade.
Ceux qui furent visés reçurent sur le nez,
En public, brusquement, une tarte à la crême
Que j’ai tenu, bien sûr, à leur lancer moi-même.
Aucun ne s’en remit : on chercherait en vain,
Parmi ces entartés qui sont dix-huit ou vingt,
Lequel a survécu à son entartement :
Tous sont morts désormais, définitivement,
Étouffés et broyés par tant de ridicule,
Mieux enterrés sous lui que sous un monticule.
J’ai entarté d’abord Marguerite Duras,
Dont les livres m’ennuient et les films m’agacent ;
Elle est vouée, depuis, pis qu’à l’anonymat,
Momifiée par les pieux Cahiers du cinéma.
J’ai frappé peu après, pour me faire la main,
Un prénommé Henri dont le nom est Guill'min :
Ce radoteur chrétien, dans ses livres d’histoire,
Prenait trop, pour mon goût, ses lecteurs pour des poires :
Depuis lors la télé ne le montre plus guère,
C’est oublié qu’il gît ou que, spectral, il erre.
Agissant une nuit au nom de Terpsichore,
D’un chorégraphe odieux le bec j'ai voulu clore.
C’était ce stalinien de Maurice Béjart,
Aux entrechats balourds autant que ceux d’un jars :
Qui se soucie (ou là) que Béjart vive encor
Ou que les asticots aient boulotté son corps ?
Autre exemple au hasard, sachez que j’ai bien ri
En entartant le groin de Marco Ferreri.
C’était sous le soleil, au festival de Cannes,
Et mon courroux grondait, ouvrant toutes ses vannes,
Contre le cinéaste ayant fait à l’esbroufe
un certain bruit bidon avec sa Grande Bouffe.
Ferreri, illico, malgré sa vaste panse,
Sous l’outrage crémeux retomba en enfance.
Il ne balbutie plus, conspué des badauds,
Que ces séniles mots: « Pipi-caca-dodo... »
Si vous les aviez vus, ces pantins culturels,
Ces Duras étriquées, ces Guill'min solennels,
Ces Béjart chichiteux, ces Ferreri ventrus,
Plus grotesques encor que nul ne l’aurait cru,
Si vous les aviez vus dégoulinants de crème,
La pâte du gâteau souillant leurs faces blêmes,
Si vous les aviez vus demeurer, ahuris,
Bras ballants face à moi, oh ! que vous auriez ri !
Sachez-le, sacrebleu ! c’est bien de ridicule
Que sous mes coups tarteux sont mortes ces crapules.

***

Mais il ne faudrait point, car ce serait dommage,
Dormir sur ces lauriers : aussi, ferais-je un gage.
Je vais non seulement repartir en croisade,
Frappant ici et là au gré de mes balades,
Provoquant la terreur très pâtissièrement
En lançant mes gâteaux imperturbablement,
Mais je vais de surcroît multiplier mes cibles
Et m’en prendre à tous ceux que j’estime nuisibles.
A toute heure, en tout lieu, je surgirai de l’ombre
Et jetterai, vengeur, des tartes en grand nombre.
Je frapperai partout, nul ne m’échappera.
Je serai sans pitié : on verra c’qu'on verra !
Tremblez, vils gougnaffiers, écrivaillons, poètes,
Vous tous dont les bouquins ne sont pas gaiement chouettes !
Tremblez, peintres vaseux, parasites de l'art,
Esthètes pleurnichards, grosses têtes de lard !
Tremblez, chanteurs fumeux, musiciens anémiques,
Vous dont les partitions sont des crottes de biques !
Tremblez, Robbe-Grillet, Bresson, Truffaut, Chabrol,
Qui commettez des films dont on a ras le bol !
Je serai encor plus rusé que Fantômas
Pour entarter demain vos faces dégueulasses !

***

Si ça ne suffit pas, ma patience a des bornes :
Je prendrai aussitôt le taureau par les cornes,
Et d’onctueux étrons seront bien plus utiles
Que de la chantilly sur mes chers projectiles.

***

Mais si malgré cela quelques crétins s’avèrent
De mériter encor châtiment plus sévère,
Ma fureur désormais n’aura plus de limite :
J’emploierai des gâteaux truffés de dynamite !


Georges Le Gloupier, 1981

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