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11 octobre 2016

Pour l'amour du cinéma [Emile Breton sur "Le Cancre"]

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"Faire un film, n’est-ce pas faire l’amour ?" [Emile Breton, L'Huma, 5 octobre 2016)

Soit quelques saisons (avril 2007-­octobre 2015) dans la vie d’un vieil homme retiré sur ses terres, au Plan-de-la-Tour, au bord de la Méditerranée. Chacune des séquences rythmant sa vie aux côtés de son fils Laurent, proche de la quarantaine, est en effet datée d’un jour précis. La précision n’était pas obligatoire. Elle a donc un sens: celui, peut-on supposer, de marquer à quel point, dans un âge avancé, on sait combien chaque jour compte, rapprochant de la fin. Donc, le vieil homme est là, entre une villa cossue, un jardin soigné, des bois proches. Et la mer. Il entretient avec ce fils il est vrai, revenu dans sa vie de façon peu banale, des rapports d’une affection bougonne et souvent exaspérée. Et il se souvient des femmes qu’il a aimées. Aimées d’amour ou par amour du cinéma. La question n’est pas tranchée. Et d’ailleurs, où est la différence ? Faire un film, n’est-ce pas faire l’amour, et qui n’est pas, de même, tombé amoureux d’un personnage à l’écran ? Ainsi reviennent-elles, celles qui ont habité sa vie, d’Annie Cordy à Françoise Lebrun, de Françoise ­Arnoul à Édith Scob ou Catherine Deneuve, son amour de jeunesse. ­Reviennent est bien le mot pour toutes, sauf la dernière, rencontrée chez elle et non par le vieil homme, mais par son fils: elles tombent dans le film sans qu’on sache d’où elles arrivent et comment elles le quittent. Des revenantes, telles qu’inscrites dans une mémoire, ou bien des voyageuses ? Le cinéaste n’avance aucune interprétation et c’est le charme de ce film feutré qui laisse au spectateur toute liberté de rêver à son tour. Juste un rideau de scène rouge pour rappeler que Françoise Arnoul fut la Nini de French Cancan, ou ce portrait entrevu chez Catherine Deneuve de Jacques Demy, le Demy des Demoiselles de Rochefort. Et elle parlera de sa sœur, mère de Laurent. Mais, au vrai, Françoise Dorléac, jumelle de Deneuve dans le film, n’est-elle pas morte jeune ?

Autant de rêves qui s’enchaînent ici, dans la tête du vieil homme, et qu’il est demandé au spectateur de poursuivre. D’enrichir ? Sans doute, car ce "cancre" retiré dans sa villa varoise et que des huissiers poursuivent n’est pas voué à la solitude: il porte en lui tout le cinéma du monde, celui qu’il a fait et celui des autres, qu’il aima. Il pourra, dans ce film, qui est le sien, chanter une de ces goualantes aux accents de la rue qu’il a écrites, comme dans bien d’autres de ses précédents. La voix est cassée, mais le film est, lui, tout jeune, tout clair. Le vieil homme pourra mourir au bord de la mer sur laquelle s’ouvrit Le Cancre et où naquit l’auteur. Fiction, bien sûr: le vieil homme, bien que joué par le cinéaste, n’est pas Vecchiali, qui a d’autres films à faire. Sa mélancolie n’est pas morose, elle est la mère de rêves d’amour.

Emile Breton

 

Que l'on se dépêche de voir ce film indispensable, avant que les marchands décident qu'il n'est pas rentable. A Nantes, toujours au Concorde (14h00 tlj). A Rennes, il a disparu des radars après UNE semaine.

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