Rancière, Costa, Chou
"J’ai voulu me situer aux antipodes d’un cinéma de dénonciation sociale, à la Brillante Mendoza par exemple. Dans ce cinéma qui marche bien en festivals, qui plaît au public, il y a quelque chose qui me dérange. Sous couvert de bonnes intentions – il faut dénoncer la réalité, c’est horrible, etc. –, cette approche misérabiliste enferme les personnages dans la réalité de ceux qu’ils sont censés représenter. Le regard porté sur eux vient redoubler celui de la société. Mais personne n’a envie de faire pitié !
J’avais été frappé par ce qu’avait écrit Rancière des films de Pedro Costa, au moment de En avant jeunesse : à défaut de changer le monde, le cinéma a la capacité de déplacer notre regard de spectateur. Je compte sur l’intelligence du spectateur pour comprendre, dans l’arrière-fond, dans les détails, quelles sont les conditions de vie des personnages. Le cinéma a le pouvoir de leur faire vivre des aventures amoureuses, fictionnelles, ces choses auxquelles n’importe quel personnage de fiction a droit – de les rendre plus proches au fond. Au contraire, cette distanciation qui nous fait dire "Ah ! les pauvres !" aboutit à les éloigner."
[Davy Chou, extrait d'un entretien recueilli par Isabelle Regnier (Le Monde), que je remercie]
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Diamond Island vient de sortir sur les écrans.