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le vieux monde qui n'en finit pas
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18 juin 2017

Fuller et Stridsberg, l'enfer de Corée

Affaire de circonstances ? Parce que j'ai revu tous les films de Samuel Fuller ces derniers mois, que j'ai lu nombre de textes récents consacrés à son oeuvre ? Cette page de Sara Stridsberg (dans un livre plutôt dédié à Nabokov et à Lolita) me fait penser à lui, à certaines scènes de ses films de guerre. La romancière/poète suédoise, pourtant, est à la fois plus sentimentale et plus radicale que le réalisateur de The Steel Helmet. Allez savoir.

« Quelques petites minutes plus tard le paysage était dévasté par des explosions : la forêt brûlait, les Coréens étaient partout. Un souvenir fugace s’épanouissait en lui : le petit garçon coréen qui cherche sa protection, qui se blottit contre lui comme si Richard était son père coréen. Et Richard le serre dans ses bras pendant toute la durée de l’attaque, soudain prêt à tout pour cet enfant inconnu. Mon enfant, crie-t-il... Mon cher enfant adoré... Tout va bien se passer... [...] Et Richard a la sensation que le garçon le comprend, qu’il comprend ces prières et ces mélodies à présent fragmentaires que sa mère lui chantait et qu’ils partagent en ce moment, unis par une seule et même masculinité sanguinolente. Jamais il n’a aimé quelqu’un aussi fort que le garçon en cet instant, alors qu’ils sont encerclés par la forêt incendiée, par les cris, les sirènes, le craquement des arbres en flammes qui tombent comme des allumettes. Or, lorsque le silence se redépose enfin et que le feu s’est éteint, le garçon dans ses bras est désormais sans vie.

[...] Peut-être est-ce nul autre que lui, Richard, qui a mis fin aux jours du petit Coréen lorsqu’il le pressait contre le sol pour le protéger. L’effroi l’a métamorphosé en assassin. Une fois pour toutes.

Il a ensuite inhumé l’enfant. Un soldat américain se tient au pied d’une tombe avec dans ses bras l’enfant de l’ennemi. Un soldat américain pose délicatement l’enfant de l’ennemi dans une fosse minutieusement creusée. Un soldat américain pleure à genoux, à terre et à genoux, sur la terre de l’ennemi. »

Sara Stridsberg, Darling River, 2010 [traduit du suédois par Jean-Baptiste Coursaud]

***

steel helmet

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