Lectures pour tous : Colette Fellous

Printemps tardif, 1949

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1. Dans Kyoto Song (Gallimard, 2020), ce paragraphe sur Yasujiro Ozu.

« Répétitions des mêmes scènes, prises à chaque fois dans un agencement différent. La vie devient une seule et longue conversation entre amis, parents, voisins: la fille qu’on doit marier et qui ne veut pas laisser son père vivre seul, lui qui est resté si longtemps en deuil de sa femme. Le temps avance, les élèves se souviennent de leur professeur et l’invitent à dîner, ils boivent et reboivent, ils lui versent du saké et encore du saké, le fils unique a déçu les grands espoirs de sa mère qui se sacrifiera jusqu’au bout pour lui, les grands-parents vont rendre visite à leurs enfants mais les enfants sont toujours occupés à d’autres tâches, toujours ailleurs, affairés, indifférents, distraits, inattentifs. Il n’y a pas de passé, seuls les objets restent et raconteront plus tard le voyage éphémère des ancêtres. Les montres, les trains, le mouvement des rivières, les cheminées d’usine, les fils à linge pour faire sécher des vêtements dont les corps ont disparu pour toujours, les petites coupes de saké qu’une femme vous remplit régulièrement, la fleur dans le vase, près de la fenêtre ouverte, il fait nuit, un vent tiède entre dans la chambre et caresse la fleur et le rideau, le père et la fille viennent de s’endormir, d’abord inquiets puis apaisés de s’être parlé. La fleur bouge à peine à peine, elle accompagne les corps qui disparaissent dans le sommeil, elle veille sur eux, enregistre leurs rêves. »

2. Et un peu plus loin, ce haïku de Segawa Ronosuke, actrice de kabuki – que je trouve doublement de circonstance.

« À la saison des cerisiers en fleur, pourquoi ne pas aller plus lentement ? »