« Begalone ne cessait de tousser avec des raclements et des expectorations qui ressemblaient à des coups donnés avec une louche contre un bidon vide; et sa peau jaune se couvrait d’un coup d’une rougeur qui cachait ses furoncles; on aurait dit que sur ses côtes de crucifié, au lieu de la peau normale, était collée de la viande bouillie. Il alla extraire de la poche de son pantalon un mouchoir déjà tout maculé de petites taches rouges, et en toussant il se tamponna la bouche. [... ] Finalement ça passa, et tout doucement il alla remettre le mouchoir dans sa poche, balançant ses affaires sous le buisson comme si c’étaient des haillons. Pris d’une espèce de vertige et de nausée à cause de la toux, sans doute aussi à cause de la faiblesse, parce que la nuit précédente il n’avait presque pas dormi, il pensa qu’une petite baignade lui ferait du bien. Il souleva sa carcasse de terre, il noua bien fort le bout de ficelle qui, faisant le tour de sa tête comme une sorte de ruban effiloché, maintenait la masse de cheveux jaunes et délavés qui retombaient à la gouape jusque sur les premiers petits os des vertèbres, et il s’amena tout mou, puisque personne ne l’observait, sur le bord crachoteux de la rivière, pour prendre un simple bain sans histoires, comme les vieux quand ils vont se laver les pieds. »

Pier Paolo Pasolini, I ragazzi (1955),
Buchet Chastel, traduit de l’italien (romanesco) par Jean-Paul Manganero 2016

pasolini-113