Lectures pour tous : Marcel Aymé
« Les plaisirs de la chasse ne sont plus aussi courus qu’autrefois, et cela tient sans doute à ce que le gibier devient rare. [...] Mais il est également croyable que cette défaveur est liée au prestige même du chasseur, qui a considérablement diminué depuis quelques années. Jadis, [...] la chasse passait encore pour le plus noble d’entre les mâles travaux. Les femmes regardaient avec orgueil les silhouettes héroïques des époux qui s’en allaient, guêtrés et le fusil en bandoulière, chercher l’aventure d’où ils reviendront la nuit tombée. Et la légende voulait que l’aventure fût presque toujours corsée d’une rencontre galante. Le chasseur égrillard et désinvolte, qui pinçait la taille d’une belle cabaretière, appartenait à la chanson et à l’imagerie populaires. Le chasseur faisait figure de joyeux drille et de mâle avantageux. Un peu de ventre ne gâtait rien. Aux yeux de la jeunesse d’aujourd’hui, les guêtres et la carnassière ont un air irrémédiablement pantouflard. Cet harnachement est presque tombé dans le mépris, au bénéfice de la culotte courte du footballeur et du cycliste. [...] »
Marcel Aymé, « Chasseurs... », Marianne, 6 septembre 1933
~