Car il ne faut pas confondre le kitsch et le camp
« Le camp, dit Pascal Françaix, c’est la pose effrénée, l’affectation érigée en système, la dérision par l’outrance, l’exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque, le kitsch dépassant le domaine esthétique pour pénétrer la sphère comportementale. C’est le reflet de Narcisse dans le miroir de la Méchante Reine de Blanche-Neige. »
Le mot de l’éditeur: Après avoir revisité le cinéma d’exploitation [vol.1, Horreur et exploitation] et la comédie musicale [vol.2, Pop camp, comédie et film musical], voilà que Camp ! se conclut avec ce troisième volume par un feu d’artifice [Soap operas & camp gay]. Il nous replonge dans les mélodrames outrés d’Edward Dmytryk, les divas esquintées, débordantes de chair et de fards (Liz Taylor ou Lana Turner) en passant par les soap operas adolescents de Delmer Daves avec Troy Donahue, pâle imitation d’un James Dean. Le métafilm hollywoodien y revisite les destinées de Jean Harlow et consorts jusqu’à l’indispensable Jour du fléau de John Schlesinger. La seconde partie de l’ouvrage se penche sur l’avant-garde et le porno gay et met à l’honneur des auteurs anarchistes, tels Jack Smith, Kenneth Anger, les frères Kuchar, sans oublier John Waters et sa Divine avide d’immondices.
Ce volume explore un cinéma qui éclaire d’une manière nouvelle, subversive et contestataire, la sexualité, les normes, Hollywood et ses marges; le camp s’avère un outil indispensable pour envisager le monde.
Camp ! volume 3, Soap Opera & Camp Gay, par Pascal Françaix, Marest éditeur, 440 p., 25 €, en vente partout dès le 23/2.
La suite sous l'image
Extraits de la préface de Jean-Pierre Bouyxou :
« Pascal Françaix, lui, tranche sans barguigner. L’essence du camp, c’est "l’exhibitionnisme exacerbé, la primauté du second degré, la sublimation par le grotesque", volontiers déclinés (mais pas toujours) dans une dominante queer tour à tour criarde et précieuse, cruelle et dérisoire, farceuse et tragique, provocante et poilante, vicelarde et candide, extravagante et extatique, pousse-au-crime et hautaine, dispendieuse et cheap, outrancière et outrageante, enfantine et rouée, festive et enfiévrée, grossière et grotesque, canaille et carnassière, crapoteuse et carnavalesque, sauvage et languide, abrasive et alambiquée. »
« Sans humour, fût-il au énième degré, involontaire ou simplement sous-jacent, pas de camp. Mieux: en matière de camp, le ridicule ne tue pas mais valorise, rehausse, souligne. Autre ingrédient obligé, l’érotisme — fût-il lui aussi au énième degré, involontaire, etc. Même non explicitement exprimée, la sexualité camp est pourfendeuse de principes, de clichés, de tabous, d’interdits, de limites. À rebours de tout ségrégationnisme, elle fond sur les déviances, si incongrues qu’elles soient, avec une curiosité gloutonne. Glamour, rire et volupté. Le camp, tel que je le ressens et tel que l’essai de Pascal Françaix me le fait ressentir plus profondément encore, a d’ineffables effluves d’encens, d’opium, de parfums exotiques, de sueur, d’entrejambe et, dans les meilleurs cas, de pipi. C’est divin. Et y a pas à tortiller, c’est pédé en diable. C’est pas par hasard que les réalisatrices camp se comptent, comparativement aux mecs, sur les doigts d’un manchot. Mais ça vient. Les films camp dirigés par des nanas sont de plus en plus nombreux. Allez-y, les filles! Foncez! »