Lectures pour tous : James Sallis
« Un jour, il y a bien des années, Itzhak Perlman donne un concert au Carnegie Hall, une énorme salle dans ce genre-là, et bien sûr c’est archibondé. Il boitille jusqu’à la scène, range ses béquilles, s’installe sur sa chaise. L’orchestre commence à jouer, vient son entrée, et à la deuxième ou troisième note, une corde casse. Comme un coup de feu. Et tout le monde se dit: bon ben voilà... Mais très calmement Perlman fait signe au chef de reprendre – et il joue tout le concerto avec seulement trois cordes. On peut presque le voir repenser les parties dans sa tête pendant qu’il joue, les réarranger, les redistribuer, les réinventer. Et il le fait à la perfection. "Vous savez, dit-il après, parfois il est du devoir de l’artiste de découvrir ce qu’il peut encore créer avec ce qui lui reste." » James Sallis, Cripple Creek, 2005, traduit de l’anglais par Stéphanie Estournet et Sean Seago, Gallimard (2007).
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