Lectures pour tous : Sergio Gonzalez Rodriguez
« La nuit d’Iguala me revient tandis que je ferme à demi les yeux et que sous mes paupières se dessine une image des événements dans laquelle s’entrecroisent des vecteurs profonds ou des lignes infinitésimales et destructrices, une ville appauvrie, pluvieuse, des rues à l’asphalte irrégulier où l’odeur de friture, d’essence et d’huile de moteur adhère aux murs, et j’observe le fer et l’acier des portes et des armes, la chair violentée par des balles létales, par des éclats de métal, de verre et des briques, la fuite des victimes au milieu des cris, des ordres, des injures des agresseurs, des mouvements brusques des véhicules, des lumières rouges et bleues dont l’intermittence laisse voir les regards apeurés derrières les fenêtres et les judas fuyants d’où les gens épient la désolation. Les uns courent, d’autres trébuchent dans une flaque, dans la boue épaisse, et tombent à genoux ou s’arrêtent face à une mort imminente. Et dans la bouche de tous, la soif de l’irrépressible, au milieu d’une brume grise qui absorbe les supplications et les sanglots et s’unit à l’exhalaison des cadavres verdâtres, aux os opaques, tirés des tombes clandestines. Iguala : cela vient du mot nahuatl yohualcehuatl qui signifie "là où la nuit s’apaise". »
Sergio Gonzalez Rodriguez, Les 43 d’Iguala. Étudiants disparus au Mexique : vérité ou défi, 2015, traduit de l’espagnol [Mexique] par Guillaume Contré, Éditions de l’Ogre [2023].
« Ils les ont emmenés en vie. Nous les voulons vivants. Solidarité avec les 43 étudiants disparus » CLIC
On pourra lire, du même auteur et chez le même éditeur, Des os dans le désert, 2003 (traduction d’Isabelle Gugnon, 2023), à propos de l'inimaginable vague de meurtres de femmes qui a déferlé sur Ciudad Juarez entre 1995 et 2003.