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le vieux monde qui n'en finit pas
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1 juillet 2024

Entendre l’herbe pousser et la vieille taupe creuser

[Le groupe Lutte de Classe, signataire de ce texte rafraîchissant que nous envoie Jean-Marie Buchet, s’est constitué et s’est développé [s’est agité] en 1968 et durant les années qui suivirent, dans les écoles de cinéma de Bruxelles et alentour. Il n'a pas vieilli d’un poil. Ou si peu.]

~

À BAS LE TRAVAIL

« Des quatre coins du vieux monde, à Cuba et au Japon, dans la bouche du président Mao et dans celle du pape, un même appel retentit : « travaillez, et travaillez encore. travaillez pour le socialisme, pour la patrie, pour le bien de l’humanité, pour acheter le dernier gadget, mais surtout travaillez. » La nécessité de passer 8 ou 9 heures par jour à s’abrutir, la répugnante activité ne manque pas de justificateurs. Les idéologues de tout poil se retrouvent pour prêcher le même sermon. Certains vont même jusqu’à affirmer que non seulement le travail est nécessaire mais encore qu’il ennoblit ! L’obscénité culmine avec la formule : Le travail, c’est ce qui distingue l’homme de l’animal.

« L’homme, pas plus que n’importe quel animal, pas plus que le bœuf que l’on a dû châtrer, n’est fait pour le travail. Le travail est même tout à fait contraire à sa nature. La nature de l’homme le pousse avant tout à jouer et à s’amuser. Il faut des années de dressage pour qu’il accepte de perdre le tiers de son temps en travaillant et de gâcher les deux autres tiers pour se remettre de son travail.

« Dire que le travail est une nécessité est une contre-vérité qui s’appuie sur deux assimilations mensongères : Le travail est la seule activité productrice possible, production et richesse sont équivalentes.

« La première de ces affirmations trouve son démenti dans la réalité quotidienne. Le pêcheur du dimanche, le bricoleur produisent et pourtant ne considèrent pas leurs occupations comme assimilables au travail. Ils ne produisent pas pour produire mais cherchent surtout à passer leur temps de façon plaisante. Ils sont les maîtres de leur propre activité. D’ailleurs, certaines peuplades sauvages utilisent un même terme pour désigner la recherche de la nourriture et leur jeux.

« Production et richesse seraient équivalentes. Être riche ne veut plus dire mener une vie passionnante mais être le possesseur de quantités de biens. Voilà bien l’expression de l’imbécillité bourgeoise ! La société actuelle condamne le prolétaire à s’abrutir dans une activité idiote pour accumuler des objets dérisoires et l’entretient dans l’espoir que de là sortira la joie de vivre.

« Le temps perdu à travailler, les désirs non réalisés sont échangés contre le salaire. Cette récompense qu’obtient le travailleur-marchandise pour sa participation à la production de marchandises ne permet que de se procurer des marchandises. Elle ne donne droit qu’à ce qui s’achète, elle est incapable de passionner notre vie. Ce à quoi on renonce dans le travail ne nous est jamais rendu. La misère de la consommation répond à la misère du travail.

« Si nous sommes obligés de travailler, la cause n’est pas naturelle, elle est sociale. Travail et société de classes vont de pair. Le maître veut voir l’esclave produire parce que seul ce qui est produit est appropriable. Le plaisir que l’on trouve dans une activité ne peut être stocké, accumulé, traduit en argent par le capitaliste, alors il s’en fout. Lorsque nous travaillons, nous sommes entièrement soumis à une autorité extérieure. Notre existence n’a plus de sens en elle-même, sa raison d’être, c’est la production de marchandises.

« Depuis son origine, le capitalisme a sans cesse révolutionné les méthodes de production et il a augmenté considérablement la productivité du travail. Mais il a été incapable de révolutionner l’activité humaine elle-même. Le machinisme n’a en rien servi à alléger la peine des hommes. Au contraire, le capitalisme a généralisé le salariat. Il a fait de l’existence du petit bourgeois – qu’il soit paysan, artisan ou commerçant – une course contre la faillite. Il a même vidé de leur sens la recherche artistique ou scientifique. Il a fait de tous, les esclaves de la machine économique. De l’ouvrier salarié à l’ingénieur, il n’y a plus que des degrés dans la misère et surtout dans l’illusion.

« Le capital est une contradiction en procès : d’une part il pousse la réduction du temps de travail à un minimum, et d’autre part, il pose le temps de travail comme la seule source et la seule mesure de la richesse. Il veut la production pour la production et recouvre la planète d’une diarrhée de marchandises. Il détruit l’environnement naturel de l’homme. Chacun se voit contraint, s’il veut échapper à la clochardisation qui touche déjà une grande partie de la population du tiers-monde, de participer à ce mouvement. Le prolétaire anime l’économie marchande dont il est la victime en cherchant des palliatifs à sa misère : nourriture falsifiée, télévision pour se désennuyer, voiture pour se transporter au "chagrin", tiercé pour entretenir l’espoir... Voilà la richesse de l’homme moderne, le revenu par tête d’habitant dont le système est si fier. Depuis quand considère-t-on que l’infirme est plus riche que le bien-portant parce qu’il est possesseur d’un fauteuil à roulettes ?

« Une masse croissante de travail ne sert plus à satisfaire les besoins, même aliénés, des consommateurs, elle se prostitue directement au service du capital. Quelle signification a l’activité des policiers et des militaires, des employés de banque, des travailleurs de la publicité et du commerce, des ouvriers des industries d’armement ?

« Jamais une société humaine n’a disposé d’aussi formidables moyens, jamais elle n’en a fait un usage aussi dément et aussi inhumain. Des centaines de millions de gens tissent la toile d’araignée qui les emprisonne.

« La révolution sociale ne consiste pas d’abord en une modification du statut de la propriété, ni même dans un changement de la répartition des biens. Elle est avant tout l’expression d’une transformation radicale de l’activité humaine. Transformation qui affecte les relations des hommes entre eux, les rapports des hommes aux produits de leur activité, les échanges entre la société humaine et la nature.

« En cela, les révolutionnaires peuvent résumer leur programme dans cette formule unique : abolition du travail. La société révolutionnaire peut être définie comme un monde dans lequel on s’activera et ce ne sera pas du travail, dans lequel on prendra sans demander et où ce ne sera pas du vol.

« Cette société communiste n’a évidemment rien à voir avec les démocraties populaires comme l’URSS et la Chine où l’argent, le salariat et les dirigeants continuent à régner. Le mensonge d’une opposition fondamentale entre le capitalisme occidental (le monde dit libre) et le capitalisme oriental (le monde dit communiste) voit d’ailleurs aujourd’hui ses fondements sapés par la reprise des échanges de capitaux entre les deux "camps".

« À notre époque, plus rien ne justifie que l’activité humaine reste emprisonnée dans la forme-travail. La clé du problème ne se trouve pas dans le retour à la vie primitive, mais au contraire, dans l’utilisation du fantastique développement du savoir et de la technologie. Il y a plus de vingt ans, Norbert Wiener, le fondateur de la cybernétique, affirmait qu’il était possible de construire des usines automatiques et d’automatiser l’ensemble de la production en l’espace de deux à cinq ans. Les forces humaines et matérielles n’ont fait que se développer depuis.

« L’écart entre les possibilités et la réalité est tel que les porte-parole de la bourgeoisie spécialisés dans la question en sont réduits à invoquer des justification humanitaires. Si nos dirigeants n’automatisent qu’avec parcimonie, c’est afin de ménager les travailleurs, dans le noble but d’éviter un chômage catastrophique.

« En réalité, si l’automation ne s’est pas généralisée jusqu’à présent, c’est parce que ce n’était pas rentable. L’automation se heurte aux limites financières des entreprises et surtout elle impose des investissements à long terme qui s’opposent à une rotation rapide des capitaux. Et plus un capital tourne rapidement plus il rapporte.Aujourd’hui, on appelle le freinage du machinisme, bonté d’âme. Demain, quand il faudra automatiser pour maintenir expansion et taux de profit, les licenciements se feront au nom des nécessités économiques et du Dieu Progrès.

« Non content de transformer les hommes en robots, le capital transforme les robots en gadgets. La conquête de l’espace,déploiement de virtuosité technique, a été ravalée au rang d’un spectacle de haute voltige. Triste façon de s’envoyer en l’air ! Au lieu de changer la vie,

« On cherche à distraire les prolétaires de leur misère. Cette distraction est d’ailleurs, quoi qu’on en dise,relativement peu coûteuse. Le projet Apollo a coûté 26 milliards de dollars, alors que le produit national brut des USA a été pour la seule année 1972 de 1152,1 milliards de dollars. On mesure le gâchis !

 

« LE TRAVAIL RAVALE L’HOMME AU RANG DE LA MACHINE.

« Actuellement, l’homme et la machine se présentent comme des concurrents sur le marché des "facteurs de production". La victoire de la machine passe par la défaite de l’homme. Cela n’est pas possible parce que dans la production capitaliste, l’homme et l’objet, les matériaux vivants et mécaniques ont des valeurs d’usage comparables. Les travailleurs et la machine sont tous les deux des rouages, ou, comme diraient les cybernéticiens, des "systèmes finalisés". Pour le capital qui les emploie, ce qui compte d’abord, c’est la manière dont Ça fonctionne. La souffrance ou le plaisir n’importent que dans la mesure où ils perturbent ce fonctionnement. Mais le capital, expression d’un rapport social, ne peut réduire complètement l’homme au robot. Il ne peut évacuer l’humain du procès de production, pour se réduire à une communauté d’objets se reproduisant eux-mêmes. Cette nécessité se traduit indirectement par le fait que la valeur, le temps de travail humain, est la base de la régularisation économique du système. Les plus savantes élucubrations sur le thème de la comparaison entre l’homme et la machine – l’homme est-il une machine très perfectionnée ? La machine peut-elle surpasser l’homme ? À quand la révolte des ordinateurs ? – oublient entre autres choses que l’on n’a jamais vu une machine avoir un orgasme. Les cybernéticiens n’ont pas été programmés pour traiter convenablement cette donnée !

« Le communisme ne signifie nullement le remplacement de l’homme par la machine, mais la transformation humaine de l’activité humaine au moyen des machines. Débarrassée des antagonismes de classe, l’humanité pourra modeler à sa guise son environnement naturel et inséparable de sa propre activité. Les hommes s’associeront librement entre eux, en utilisant leur patrimoine commun pour mener à bien en fonction de leurs goûts, de leurs affinités, de leurs capacités et de leur conscience des nécessités de l’heure, telle ou telle tâche. Dans la société communiste, les oppositions entre temps de travail et temps de loisir, entre d’un côté production et de l’autre apprentissage et étude, entre ce qui est vécu et ce qui est expérimenté, n’auront plus de sens.

« Nous ne sommes pas des curés, nous ne promettons pas le paradis, ni l’immortalité, ni même la fin de toute souffrance et de tout conflit. Nous ne sommes pas des politiciens ou des marchands. Nous ne prétendons pas que l’on peut changer la vie avec un bulletin de vote ou un billet de dix francs. Mais nous ne sommes pas non plus des utopistes. Lorsque nous parlons d’abolition du travail, nous ne faisons qu’exprimer théoriquement un mouvement qui s’ébauche pratiquement sous nos yeux, dans telle grève sauvage ou dans telle émeute, lorsque les ouvriers salariés américains désorganisent les chaînes de production et que les ouvriers polonais pillent les magasins d’État, lorsque le retour de la vie brise la morne routine de la survie quotidienne, lorsque l’effort est justifié par la passion, lorsque les robots désobéissent aux momies qui les gouvernent, lorsque le bavardage cède le pas à la parole parce que les hommes recommencent à avoir des choses à se dire et des expériences à se communiquer...

« Ceux qui savent entendre l’herbe pousser et écouter notre vieille amie, notre vieille taupe : la révolution, creuser sous le voile du mensonge, ne seront pas surpris lorsque les tendances communistes que le vieux monde refoule, se manifesteront au grand jour.

Groupe LUTTE DE CLASSE

[Le groupe Lutte de Classe, signataire de ce texte rafraîchissant que nous envoie Jean-Marie Buchet, s’est constitué et s’est développé [s’est agité] en 1968 et durant les années qui suivirent, dans les écoles de cinéma de Bruxelles et alentour. Il n'a pas vieilli d’un poil. Ou si peu.]

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