Anita Conti 1899-1997
« Deux ou trois fois de suite, après son retour en surface, le squale s’était agité, plongeant et ressortant ; nous l’observions, moteur débrayé, de telle sorte qu’en dérive lente nous demeurions dans les eaux mêmes où s’était jouée la scène. Sous l’éclatant soleil, ces eaux étaient légèrement troubles, un peu laiteuses même. Je n’eus pas, ce jour-là, l’idée d’en filtrer un échantillon. Mes yeux ne quittaient pas les jumelles ; c’est ainsi que j’aperçus, lorsqu’elle se tourna et retourna, toute la longueur de la face ventrale de l’énorme bête ; elle était très rouge, par plaques plus grandes que des assiettes, et, sur les bords des plaques, cela se décolorait jusqu’au blanchâtre. En même temps, on apercevait les grands ptérygopodes (ou myxoptériges) allongés sur le ventre comme des pattes de veau ; c’était un grand mâle. » Anita Conti (1899-1997), L’océan, les bêtes et l’homme, ou L’ivresse du risque, André Bonne 1971, rééd. Payot Poche 1999.