Lectures pour tous : Laszlo Krasznahorkai
il essaya de se concentrer et de se remémorer tout ce qu’il avait lu au Télécafé les jours précédant son départ, mais concernant les tensions parmi les travailleurs saisonniers arabes, il se souvint uniquement d’un étrange article sur l’écologie, dans lequel les deux auteurs mentionnaient un homme – il avait écrit son nom quelque part mais ne se rappelait plus où – qui avait déclaré : « c’est au sud du fleuve Duero qu’en 1983 a péri le dernier loup », c’était de toute évidence du fait de sa tonalité inhabituelle que la phrase lui était restée en mémoire, les scientifiques usent rarement de tournures poétiques, pas vrai ? le dernier loup, c’est peu commun, expliqua-t-il, mais le Hongrois n’écoutait plus car les livreurs venaient d’arriver et de déposer des caisses de bière, de vin, de spiritueux et de boissons non alcoolisées, et le barman dut comptabiliser et lister dans son registre les caisses de bière, de vin, de spiritueux et de boissons non alcoolisées, après quoi il offrit une bière aux livreurs et, une fois ces derniers partis, retourna derrière son comptoir et lui fit signe qu’il pouvait continuer, ce qu’il fit de bonne grâce,
Laszlo Krasznahorkai, Le dernier loup, 2009, traduit du hongrois par Joëlle Dufeuilly, Paris, Cambourakis [2019].