Lectures pour tous : Abel Quentin [et "Les limites à la croissance", 1972]

« Vous savez ce qui se passe dans le delta du Gange, monsieur ? [...] Dans le vaste delta où les villes étaient pleines comme des œufs, la gigantesque capitale de Dakka ne pouvait plus accueillir les réfugiés poussés toujours plus au nord par la montée des eaux, les trains et les routes dégorgeaient un flux toujours réitéré de réfugiés climatiques et déjà la ville craquait de toutes parts et ne pouvait plus les digérer et les régurgitait par millions et cependant ils revenaient car ils n’avaient pas d’autre choix, des milliers d’hectares de terre avaient disparu, alors les hommes et les femmes s’entassaient dans des bidonvilles et ils devenaient fous. Pour survivre, ils travaillaient dans des usines textiles, qui déversaient dans les rivières des colorants toxiques qui tuaient leurs enfants. Et alimentaient, in fine, les enseignes de prêt-à-porter des pays plus fortunés. [...] La fabrication et l’expédition de ces T-shirts de merde sont carbonées à mort. Elles participent donc au réchauffement, et donc à la montée des eaux dans le delta. Une belle boucle de rétroaction positive, aurait dit Stoddard. » Abel Quentin, Cabane, 2024, Observatoire/Humensis.