Lectures pour tous : Jean Echenoz
« Car il suffit de six briques amoncelées, d’une meule de paille fumante et de trois vélos tombés pour donner l’illusion d’un saccage. De même que quinze figurants casqués suggèrent un régiment, dix chèvres sous-payées passent pour une harde, cinq pans de mur effondrés évoquent une mégapole en ruines. Tout dépend de l’angle et du cadrage et plus tard, à la post-production, un peu de musique derrière et trois effets spéciaux feront l’affaire. Car ainsi va le cinématographe où le moins doit faire imaginer le plus. C’est le règne de la partie pour le tout, l’empire de la synecdoque où rien n’arrive à l’extérieur du cadre : hors de son rectangle où se déroule une guerre sans merci, riche en clameurs sauvages, corps démantelés et sang giclant un peu partout, il n’y a que deux types dont l’un tient une perche et l’autre un réflecteur, l’un regarde sa montre et l’autre s’éponge le front. » Jean Echenoz, Bristol, 2025, Minuit.
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