Nos films préférés en 2024 : Thomas Gombowhicks
Top Parade 2024 de nos films préférés de cette année, qui ne sont pas de ladite année. Once again, nous allons savamment doser un snobisme insupportable et des goûts douteux assumés avec une morgue incroyable mais qui a le mérite d’être sèche.
Sans hiérarchie, ni ordre particulier
L’archipel désert, Katsu Kanaï (Japon, 1969). Fable fantastique, expérimentale, surréaliste et radicale, dans laquelle un homme s’échappe d’un couvent, alors qu’un enfant lui pousse dans le dos, et qui l’accompagnera jusque l’adolescence. Il faut bien le dire : ce n’est pas commun.
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Néa, Nelly Kaplan (France/RFA, 1976). La Suisse, une jeune fille de seize ans de famille très bourgeoise (avec les secrets qui vont avec) qui écrit de la littérature érotique, se masturbe en regardant sa chatte miauler, fait du gringue au libraire Sami Frey pour se faire publier, et des relations pour le moins troubles et perverses qui s’engagent... Film désarçonnant, à faire hurler à peu près tout le monde aujourd’hui, des chiennes de garde aux vieux réacs. Kaplan n’emmène le spectateur jamais là on l’on pourrait s’y attendre, et le tout est sacrément subversif comme on dit, malin, drôle, tendre, pervers, retors, violent et d’un féminisme non pas militant mais presque pamphlétaire. Ça n’égratigne pas, ça écorche !
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Le Mystère des Lagunes : fragments andins (El Misterio de las Lagunas – Fragmentos andinos), Atahualpa Lichy (Venezuela, 2011). Dans cet intérêt perpétuel pour les musiques populaires et folkloriques, et le sens politique que leur contexte de création et la marche de l’Histoire leur a donné, ce long métrage documentaire de Lichy explore les traditions musicales des Andes vénézuéliennes, ce qu’il en reste et ce qu’elles révèlent d’une histoire occultée et muséifiée, au mieux.
Aayirathil Oruvan, K. Selvaraghavan (Inde, 2010). Le cinéma tamoul ne cesse de m’émerveiller depuis ma plongée dans les cinémas indiens il y a une quinzaine d’années, et Selvaraghavan en 2010 avait livré un improbable, incroyable et excessif mélange de film d’aventures, d’action, de paganisme, de folk horror et d’heroic fantasy, très très vaguement basé sur des faits historiques et mythologiques. Ça ne s’arrête jamais, c’est excessif, photographié avec tout l’amour du monde et d’une croyance absolue (aux frontières du mauvais goût parfois, et c’est sa beauté) dans la narration par l’image.
La fin du jour, Julien Duvivier (France, 1939). Duvivier à son retour en France (avant de repartir aussi sec un an plus tard pour cause de bruits de bottes assourdissants) qui signe un hommage aux acteurs, ces derniers étant ici des vieillards en pension. Confrontation des styles de jeu (Michel Simon / Louis Jouvet / Victor Francen, trois styles pour trois ambiances), théâtralité volontaire dynamisé par la caméra de Duvivier et ton foncièrement nostalgique et à deux doigts de plonger dans la dépression. Éloge des petits et des sans-grades.
Sarraounia, Med Hondo (France/Burkina Faso, 1986). La mission Voulet-Chanoine à la fin du XIXe siècle a hardiment massacré tout ce qui se trouvait sur son chemin lors de la conquête du Tchad pour la gloire toute relative de l’Empire Français, mais sur leur chemin se dressa la Sarraounia du village isolé de Lougou, au Niger voisin. Med Hondo, né dans ce qui était encore la colonie française de Mauritanie, aura consacré presque toute sa vie de réalisateur-scénariste à l’Histoire des peuples colonisés par la France, aux Antilles, sur le continent africain ou en métropole, et aura évidemment toujours eu du mal à financer ses projets, car n’entrant pas dans le Roman National tricolore. Sarraounia exalte la révolte et la résistance face à l’autoritarisme raciste de l’Occident, avec un sens de l’épique et de la dignité que nous qualifierons pudiquement de salutaire.
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Crying Blue Sky, Avery Crounse (États-Unis, 1984). Également exploité sous le titre Eyes of Fire, le premier long métrage d’un metteur en scène qui n’en fera que trois. Ouesterne panthéiste mâtiné de folk horror dans lequel en 1750 une famille menée par un pasteur défroqué plonge dans des bois mystérieux, hantés par les fantômes de colons français, des créatures étranges et une femme arbre. Film mystique, étrange, dérangeant, poétique, qui fait penser à plusieurs autres mais ne ressemble qu’à lui-même.
Kim’s Video, David Redmon, Ashley Sabin (États-Unis, 2023). Une enquête qui démarre comme une ego histoire d’un jeune homme avec un ancien vidéoclub de NYC et son envie de retrouver le gérant coréen et sa gigantesque collection de VHS, puis ça dérive en périple en Sicile, puis en film d’enquête jusqu’à l’arrivée de la mafia locale et son lot de dangers. Drôle, personnel sans être pénible, cinéphile, angoissant.
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Heartland, Richard Pearce (États-Unis, 1979). Vainqueur de l’Ours d’Or en 1980 et pourtant inédit en France, ouesterne low-fi et rugueux sur la vie quotidienne d’une femme dans une ferme du Wyoming, basé sur les lettres de la mémorialiste Elinore Pruitt Stewart. Fresque au format réduit, sans artifices ni affects exagérés, à la photographie rugueuse et intense et superbement interprétée.
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La Chevauchée de feu (The Lighthorsemen), Simon Wincer (Australie, 1987). Wincer, réalisateur australien ayant régulièrement oscillé entre le portnawak réjouissant (Harley Davidson and The Marlboro Man, The Phantom), l’enfantin (Free Willy) ou le lamentable (Crocodile Dundee 3) a aussi réalisé de bien belles choses, comme Quigley Down Under (ouesterne en Australie avec Tom Selleck et sa moustache et Alan Rickman, également accompagné de sa moustache) ou cette Chevauchée de feu qui s’inscrit dans une continuité de films sur la camaraderie au sein des forces armées australiennes. Les forces du Commonwealth s’en vont gaiement en Palestine (figurée ici en Australie-Méridionale) en 1917 pour aller foutre sur la tronche à l’Armée aux casques à pointes qui veut foutre le souk dans son pré carré. Cavalcades épiques, belle photo de Dean Semler, des bons camarades, des Allemands presque aussi méchants que des nazis, dynamisme certain et un talent pour l’homérisme suranné.
Le septième juré, Georges Lautner (France, 1962). Adapté d’un roman de Francis Didelot, Lautner tire presque plus son film vers l’univers de Georges Simenon avec cette étude de la petite bourgeoisie prise dans le feu de son apparente vertu et ses contradictions. Lautner s’en donne à cœur joie dans le formalisme, l’expérimental mesuré, les cadrages étranges, la voix off anxiogène comme un flux de conscience tourmenté et un appétit pour une mise en scène dynamique qu’il abandonnera plus ou moins par la suite.
The Appointment, Lindsey C. Vickers (Royaume-Uni, 1981) + The Lake. Vickers n’avait pas fait grand-chose avant (excepté son excellent court métrage The Lake) et ne fera rien ensuite. Production télé hypnotisante, où un pagan horror contemporain typiquement rosbeef se mêle à l’indicible peur, avec une mise en scène anxiogène et un sound design oppressant. La musique de Trevor Jones (la même année que son score pour Excalibur) en rajoute une couche dans l’angoisse et Vickers utilise plus qu’habilement son maigre budget – notamment dans une tortueuse scène de cauchemar et avec un sens du montage et de la dilatation du temps stupéfiant.
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Terror Firmer, Lloyd Kaufman (États-Unis, 1999). Le dernier grand chef-d’œuvre du cinéma du millénaire précédent, ou Kaufman adapte son propre livre All I Need to Know About Filmmaking I Learned from The Toxic Avenger et avec sa Troma Army donne l’un des plus beaux hommages irrévérencieux à l’industrie cinématographique fauchée. Kaufman enchaine en cinq ans, Tromeo and Juliet, Terror Firmer, Citizen Toxie: The Toxic Avenger IV et All the Love You Cannes ! Quel intolérable génie.