Lectures pour tous : Jorge Ibargüengoitia
/image%2F0404300%2F20250925%2Fob_7dd742_screenshot-2025-09-25-at-09-09-10-dos.png)
« Le nom scientifique de la zafia est Arándula vertiginosa. [...] Le fruit de la zafia, après avoir été dénoyauté et séché au soleil, se moud dans un mortier jusqu’à l’obtention d’une poudre fine que l’on mélange à parts égales avec une solution à dix pour cent d’acide trémique. Le produit que l’on obtient ainsi est appelé agua zafia. C’est un des médicaments les plus capricieux, les plus efficaces et les plus délicats à utiliser que l’on connaisse. Une goutte d’agua zafia dissoute dans un demi-verre d’eau et absorbée après le repas évite les aigreurs d’estomac, deux gouttes prises à onze heures du matin stimulent l’appétit, cinq gouttes font un remarquable aphrodisiaque, dix gouttes chaque jour constituent un excellent tonique cardiaque, qui allonge la durée de vie, tandis que trente gouttes avalées d’un coup la mettent au contraire en péril et que deux cuillerées à soupe donneraient la mort à n’importe qui. Une autre caractéristique importante de cette potion est qu’elle ne provoque pas d’accoutumance, de sorte que l’on peut cesser d’en prendre à n’importe quel moment sans en souffrir. Mais, de ce fait, même si on en a longtemps absorbé en petites quantités, on n’en est pas pour autant immunisé contre les effets d’une dose excessive. » Jorge Ibargüengoitia, Deux crimes (1979), traduit de l’espagnol (Mexique) par Jean-Baptiste Grasset, Gallimard, « La Noire », 1993.