Bizness
Le bizness consiste à acheter des trucs qui doivent rapporter de l'argent et à les revendre quand on n'y croit plus. (Pour les variantes, on y reviendra le mois prochain.) Exemple : quelques années après avoir acquis les Cahiers du cinéma, le groupe de presse Le Monde vient de décider de s'en séparer.
Pas rentable. Plus personne semble-t-il n'achète de magazines de cinoche de qualité, même aussi prestigieux que celui-là. (Bazin et Skorecki y inventèrent la critique de cinéma, Godard et Moullet le cinéma moderne, Delahaye et Biette la cinéphilie, Barthes, Deleuze et Frank Ténot y furent longtemps abonnés, Comolli en fut le meilleur rédac chef et Daney s'y exerça au compte rendu de compétitions sportives.)
Désespoir et inquiétude légitimes des rédacteurs, qui craignent que leur canard ne devienne un support publicitaire pour des produits bobos, genre Fnac et Cartier, Arte ou L'Oréal. C'est déjà un peu le cas ? Cela montre bien comme c'est compliqué, l'économie.
Notre devoir en tout cas est de soutenir sans barguigner les amis des Cahiers dans leur combat inlassable contre le grand capital. Une pétition circule à cet effet, que l'on trouve un peu partout et sur le site de Libération. (Qui n'allait pas manquer une si belle occasion d'emmerder Le Monde, son concurrent direct.) Des tas de gens très bien et même quelques amis l'ont signée. Il n'est pas interdit d'y aller voir.
Eric Fottorino, président du directoire du groupe La Vie-Le Monde et auteur célébré d'un Petit Eloge de la bicyclette, s'apprêtant à infliger les derniers outrages à la Société des rédacteurs des Cahiers du cinéma.