Bouyxou
Reçu Lunatique 78-79, publié à Caëstre (Nord) par l'Auvergnat Jean-Pierre Fontana, un des grands manitous de la science-fiction et du fantastique sur tout le territoire de la République. La revue fait l’honneur d’un énorme dossier à Jean-Pierre Bouyxou, acteur et chanteur, cinéaste et parolier, anar et jouisseur, archiviste et érudit, parisien et girondin, libertin et ami fidèle, cynophile et inconditionnel de Laurel et Hardy, romancier et collectionneur de pseudos : Jérôme Fandor, Philarète de Bois-Madame, Josiane Grignard, Georges de Lorzac, Alphonse de La-Marre-Pine, Georges Le Gloupier (qui signa quelques romans pornos à La Brigandine avant de passer son CAP d’entarteur ; quelques années plus tard, la section belge de l’Internationale pâtissière fit breveter le nom, désormais à l’usage exclusif de Noël Godin, petit camarade de classe de Jean-Pierre), Annie Schon, Mark Lewis, Elizabeth Bathory, et tant d'autres encore, c’est lui.
Vous trouverez là un entretien de Stéphane du Mesnildot avec Jean-Pierre Bouyxou, et ici le lien avec l'éditeur pour vous procurer la revue si Hachette ne la distribue pas dans vos villes et hameaux.
Florilège
Olivier Bailly, ex-libraire et biographe de Robert Giraud : J’ai connu Bouyxou en lisant La Brigandine (collection publiée par Henry Veyrier), ces polars pornos, des "pornars". Ils ont l’air de romans de gare. Et puis y a du cul assez drôle. Et un petit esprit subversif qu’on ne trouve vraiment pas dans les romans de gare. Le côté subversif, c’est plus difficile qu’une belle minette en couverture. Faut lire les bouquins pour piger. J’imagine la tête du type qui commençait sa lecture de Des chibres et des lettres dans son train de banlieue, histoire de se reposer de sa dure semaine...
Christophe Bier, chroniqueur et historien : J’ai toujours aimé chiner ses différents méfaits. Ses films pornos classés X et sauvagement retitrés par de vils labels vidéo. Ses romans de gare estampillés Brigandine, dont les Clystères de Paris, fabuleuse parodie de roman feuilleton. Ses collections de revues éditées par les barbus du passage Jouffroy : Sex Stars System, Fascination, etc. Son roman-photo porno sublime d’irrévérence et de liberté, le Couple aux mille perversions... Je ne désespère pas de lire un jour son récit sur Molinier ou son étude définitive sur les teams comiques et navrants – qui viendront enrichir ma bibliothèque, aux côtés de l’enthousiasmante Science-fiction au cinéma, qu’il publia en 1971.
Jacques Boivin, cinémane et romancier : C’est le fantastique, le merveilleux, la science-fiction, le pornérotisme, la bande dessinée, bref tout ce qui participait d’une culture populaire si méprisée à l’époque, qui nous a réunis.
Philippe Bordier, ex-animateur de Ciné-Golem et réalisateur : Certains parlent des héros de leur enfance au passé. D’autres essaient d’organiser leur vie pour "écrire" de nouveaux chapitres de leurs aventures : ces sautillants Pieds Nickelés, Jérôme Fandor, l’Homme qu rétrécit, Judex, Dracula ou Ravachol... Jean-Pierre Bouyxou fait partie de cette deuxième catégorie.
Nicole Brenez, professeur à la Sorbonne et programmatrice de cinéma expérimental : "Nos films, dit-il, voulaient être aux films traditionnels ce que les graffitis de chiotte sont à la grande littérature." Chez lui, l’excitation est la seule excuse pour l’art, et le pulsionnel le stade suprême de l’érudition.
Laurent Chollet, historien de l’Internationale situationniste et du Club des Cinq : Jean-Pierre Bouyxou a été assurément, après Jean Boullet (1921-1970), le "passeur" le plus important des quarante dernières années.
Pierre Delannoy, journaliste et coauteur de l’Aventure hippie : Jean-Pierre Bouyxou est un chercheur, un vrai. Un explorateur. Ses jungles, faites de mots et d’images, extrêmement denses, sont quasiment inaccessibles au commun des mortels.
Jean-Pierre Dionnet, critique rock et animateur de télévision : Je me demande même si je ne pourrais pas en faire mon meilleur ennemi maintenant que Bizot est mort, car je suis contre la libération sexuelle.
Yves Frémion, romancier et agitateur : Yeux ouverts sur le monde, regard à qui rien n’échappe. Bouyxou a un œil sûr. Rien d’important à son époque ne lui a échappé. S’il ne vous connaît pas, c’est mauvais signe pour vous, vous n’êtes pas grand-chose.
Noël Godin, compagnon de route et animateur de folles nuits schaerbeekoises : Jeannot-Pierrot s’est toujours avéré être pour moi le plus idyllique des complices mécréants. Vive Ravachol ! Vive Rossignol !
Jacques Goimard, critique et anthologiste : Jean-Pierre Bouyxou est immense. Il est au sommet de l’Olympe.
Gudule, lectrice de Fascination et auteur de livres pour la jeunesse : Il était beau, je ne crains pas de le dire.
Bernard Joubert, éditeur de bandes dessinées et historien de la censure : À la saine jeunesse, on donne en exemple le preux chevalier Bayard ou des sportifs. Moi, à la maison, on achetait Fascination, alors c’est Jean-Pierre Bouyxou qui m’a servi de référence.
Brigitte Lahaie, icône X devenue animatrice radio-télé : Avec son regard de myope, je l’ai tout de suite trouvé sympathique, mais comme à l’époque je me méfiais des intellos à lunettes, je l’ai évité malgré moi. Drôle, d’imaginer que j’aie pu prendre Jean-Pierre Bouyxou pour un intellectuel ?
Gérard Lenne, critique de cinéma et nanarologue : Je l’ai longtemps cru belge, et je ne crois pas être le seul.
Roland Lethem, metteur en scène et agitateur : Dans mon film le Sexe enragé, "Membre Viril" c’est le sien.
Claude Lévi-Strauss, anthropologue et centenaire : Ce n’est pas juste. J’ai dû attendre un siècle pour entrer à la Pléiade. Et ce gamin de Jean-Patrick Bouyxou se tape une carte blanche à la Cinémathèque française et un numéro spécial de Lunatique, alors qu'il a tout juste 62 ans.
Yves-Marie Mahé, courtmétragiXste et producteur à France-Culture : écouter
Raphaël-G. Marongiu, photographe, dessinateur, homme de cinéma : Mon pote Jean-Pierre. Que de jours et de nuits passés à échafauder des projets ! Le cinoche, bien sûr, était notre principal objectif, mais aussi la bande dessinée. Nous en fîmes. Où était l’un, on voyait l’autre, liés par nos goûts et aspirations communes, ainsi que par une fraternelle amitié qui ne s’entacha jamais.
Alain Paucard, auteur de nombreux livres : "Bouyxou, Jean-Pierre, 1946-20.. : Aristocrate littéraire et passeur d’érudition. A tâté de tout, y compris du dangereux. N’a jamais servi d’autre maître que sa curiosité, expression d’une haute conception de la liberté individuelle." Dictionnaire des originaux, à paraître ?
Alain Petit, fanéditeur et complice historique de Jess Franco : Bouyxou restera une des grandes figures de la scène underground, de l’âge d’or du psychédélisme à la française. Pour les années 1970-1980, il constitue assurément ce que Jean Boullet a été en regard des années 1950-1960 : un grand précurseur.
Jean Rollin, cinéaste et romancier : À la célèbre question, "Qu’emporteriez-vous sur une île déserte ?", je ne puis que répondre : "J’emporterai Jean-Pierre Bouyxou !"