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31 décembre 2008

Apolonia Chulupiec

Pola Negri et les restaurateurs

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Cela ne vous fera pas trépigner d'impatience, occupés que vous êtes à ouvrir les huîtres (pour la dernière fois, prétendent certains conchylimanes), à couvrir de beurre demi-sel de fines tranches de pain de seigle et à vous assurer à petites, toutes petites gorgées, de la fraîcheur gouleyante du gros plant.

Tout de même, la nouvelle fait un certain bruit dans le landerneau de la cinéphilie digne de ce nom. Voilà. Deux chercheurs polonais viennent de découvrir dans les caves du Centro Sperimentale di Cinematografia à Rome, un film inconnu, non répertorié et non encore identifié de Pola Negri. Un film policier tourné à Varsovie dans les années dix. La copie, en bon état, est dotée d'intertitres italiens.

Pola Negri, née Apolonia Chulupiec quelque part en Pologne en 1894, fut une des stars absolues du cinéma muet allemand. Elle tourna notamment une poignée de films sous la direction de Lubitsch, pour qui elle fut une flamboyante Carmen et une épastrouillante DuBarry (elle joua aussi dans Les Yeux de la momie, dont le précieux Manchette vola le titre pour le donner à sa chronique de Charlie). Autant de joyaux que les meilleures des cinémathèques, comme la Royale de Belgique, nous projettent à l'envi dans leurs salles muettes. La gloire la conduisit illico à Hollywood où elle fut presque la seule, au rayon des divas frémissantes, à faire de l'ombre à Gloria Swanson, période Paramount.

Après avoir fait tourner en bourrique la moitié des mâles californiens (dont les prudes Charles Chaplin et Rudy Valentino, mais personne n'en avait cure: l'invention du code Hays n'était pas encore programmée par les crétins et les receveurs des Postes), elle épousa un prince russe.

Le cinéma devint bruyant, elle regagna l'Allemagne et renoua avec son prestige faramineux d'antan. On dit qu'elle était la comédienne favorite d'Hitler. Pas de mal à ça. D'abord, on raconte tellement d'histoires sur ce type ! Ensuite, Pola Negri était la préférée de tous les Allemands. Greta et Marlene avaient mis les bouts depuis longtemps. Zarah Leander, on l'aimait toujours un peu, mais elle chantait faux, même dans les Douglas Sirk de l'ère nazie, voyez par exemple La Habanera et Zu Neuen Ufern, au point qu'on se demandait pourquoi on avait inventé le son.

Aux premiers coups de canon en tout cas, Pola regagne l'Amérique qu'elle ne quittera plus avant sa mort en 1987. Entre-temps, Billy Wilder (notre tonton préféré) lui proposa d'incarner la vieille carne Norma Desmond dans Sunset Boulevard. Pola refusa, scandalisée qu'on lui fasse jouer une has-been. Ce fut, comme chacun sait, Gloria Swanson, sa tête de turc de toujours, qui prit la place et gagna du même coup son ultime triomphe, une partie de bridge avec Buster Keaton, Anna Q. Nilsson et H.B. Warner, et une palanquée de récompenses dont une nomination à l'Oscar.

Pour notre thriller polonais non étiqueté, on attendra l'été prochain. Les restaurateurs d'Il Cinema Ritrovato, à Bologne, auront peut-être eu le temps de faire leur boulot. 2009 démarre fort.

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Commentaires
C
très intéressant et agréable à lire, merci.<br /> je crois n'avoir vu qu'un Lubitsch avec elle, début des années 20, une grosse superproduction en costumes ennuyeuse dont j'ai oublié le nom.
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