Faire un gosse comme on fait au pot
Charley Bowers (« Bricolo »)
Toujours d'une roborative actualité: le regretté Raymond Borde, ami des poètes toulousains et patron de la Cinémathèque du même nom, où il œuvra, pour notre plus grand bonheur, à sortir Charley Bowers de l'oubli. Extrait de son brûlot de 1964, L'Extricable, « briquette rouge brouille-ménage rappelant parfois le Péret fulminatoire d'avant-guerre » comme l'écrit Noël Godin dans son indépassable Anthologie.
« Toujours plus d'enfants, plus de tonnes d'acier, plus de mètres carrés de surface habitable. C'est le cycle infernal de la natalité et du travail humain. [...]
La pornographie commence avec la grossesse. Avant, tout est merveilleux: baiser, branler, sucer, rêver. Après tout est sale. Un ignoble cancer dévore le ventre de la femme. L'être aimé se dégrade, il s'alourdit comme une vache, suinte les eaux, fait un gosse comme on fait au pot, et il atteint les limites de l'horreur: il devient une mère.
Je demande que l'on en finisse avec la poésie florale de la naissance. [...] Du calendrier des postes aux allocations familiales, tout exalte la maternité. Elle fait tellement partie du décor quotidien, que l'on a peine à discerner ce qui se cache d'interdits derrière ces landeaux, ces jacinthes, ces langes. Un bouquet de marmots et une femme enceinte, quel plus joli tableau dans les rues de nos villes? Ça ne se discute pas. C'est le fruit conjugué de la morale chrétienne et du patriotisme. On touche à une croyance qui a ses rites verbaux ("Il ressemble à son père", "Les femmes et les enfants d'abord", etc.) et sa fête des mères. Athée ou poujadiste, curé ou vieux noceur, inspecteur des finances ou truand aux Assises, tout le monde respecte au moins cela: la pure figure de sa maman.
Qu'une dame aille dire qu'elle n'aime pas les gosses et vous verrez de quels regards on l'exorcisera. »
© j.r. williams 2008