Lectures pour tous : Jack London
« Ses visions le reprirent, elles passaient comme des éclairs. Il voyait de longues voies ferrées dont les rails étincelaient dans le désert, il voyait des policiers américains, des prisons, des vagabonds rôdant autour des réservoirs d'eau. Il repensait à sa douloureuse odyssée, celle qui avait suivi sa fuite, après le massacre de Rio Blanco. Et puis, resplendissante et glorieuse, il entrevoyait la grande révolution rouge. Elle balaierait toute l'étendue de son pays. Les fusils étaient tous là. Toutes ces têtes honnies étaient des fusils. C'était pour ces armes qu'il se battait. Il était lui-même une arme, il était la Révolution. Il personnifiait le Mexique. » [...]
« Personne n'acclama ni ne félicita le vainqueur. Il regagna son coin du ring mais il n'était pas attendu. Ses seconds n'avaient pas encore remis le tabouret. Il s'appuya contre les cordes, la tête rejetée en arrière, et promena ses yeux sur cette foule de dix mille gringos qu'il engloba tous dans un même regard de haine. Ses genoux tremblaient, il était épuisé. Tous ces visages haïs lui donnaient vertige et nausée. Puis il se souvint que cette masse représentait les fusils. Et les fusils étaient à lui. La Révolution pouvait commencer ! »
Jack London, Le Mexicain (1911),
nouvelle trad. de Louis Postif, éditions Libertalia, 2007.
Illustrations de Nono le Hool's.