Frère Jacques
« Le goût pour le cinéma était vraiment un phénomène générationnel. Pour faire un peu large, entre 1964 et 1980, les jeunes gens parisiens ont vu beaucoup de films. Il y avait un accès naturel, hebdomadaire, à la salle de cinéma, et à cette époque, on allait à la Cinémathèque comme on allait au Marigny: on n'avait pas le sentiment d'aller au musée.
« Le cinéma faisait tout simplement partie de notre vie et ce qui me plaisait, c'était que justement ça puisse tout contenir, du film populaire francais au cinéma expérimental de Kenneth Anger. Il y avait, bien sûr, une sorte de boulimie et d'éclectisme un peu hystérique. Mais la magie, c'est de pouvoir se rappeler aujourd'hui avec précision jusqu'à la place qu'on occupait dans la salle et la sensation physique qu'on éprouvait de la découverte du Joli Mai, de Chris Marker, à la Cinémathèque un jour d'été, du choc esthétique et du sentiment d'ouverture sur le monde procurés par ce film. Tout à coup, on se dit: "Ah oui d'accord, alors le cinéma ça peut aussi être ça." »
Jacques Audiard (dans Le Monde)
Les sièges de l'Alcazar, Luc Moullet, 1989