Travailleuses, suite
J'aime l'article de Jean-Pierre Bouyxou paru ce matin dans Siné Hebdo n°75. Je le relaie donc, sans vergogne ni paiement de droits. Bouyxou n'a jamais parlé la langue de bois, il n'écoute que son cœur. Pas d'hypocrisie. («Intéressant. On regrette le manque d'attrait véritablement cinématographique de l'affaire», lit-on en revanche dans Le Parisien à propos du film dont il est question ici.) J'entends feuler, sur le trottoir, de jeunes commissaires de police et de vieux féministes.
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La pute enchanteresse
« Ayant toujours trouvé aberrant – et a priori débandant – de casquer pour baiser, et n’ayant donc jamais recouru de ma vie aux services d’une pute, j’ai fatalement des idées toutes faites, c’est-à-dire fausses, sur les professionnelles du radada tarifé. Par exemple, me fiant à l’air las et sinistre qu’elles arborent en vous proposant la botte le soir au coin des rues, j’imaginais volontiers que, sauf rarissimes exceptions, elles faisaient leur boulot sans entrain, contraintes, révulsées, méprisantes ou, au mieux, indifférentes. C’est ce qui, dans ma p’tite tête, les distinguait radicalement des hardeuses avec qui j’ai beaucoup copiné en mes jeunes années, celles-ci reconnaissant volontiers, entre quat’ z’yeux, qu’elles avaient choisi ce turbin bien davantage pour le plaisir que pour le pognon. Et puis bing ! Un documentaire de Jean-Michel Carré, Les Travailleu(r)ses du sexe, vient tout à trac détruire mes préventions. Des putes heureuses, satisfaites – et même fiérotes – d’exercer un boulot qu’elles estiment agréable, utile et gratifiant, ça existe. Pas seulement dans les mauvais livres polissons et les films X bas de gamme, mais dans la réalité. Carré en a rencontré plusieurs, apparemment emblématiques, et leur laisse la parole.
« Le panel est large. Il y a parmi elles des travelos, un hermaphrodite, une tenancière de claque helvète, une fille en vitrine d’un quartier chaud bruxellois, deux semi-retraitées parigotes et une spécialiste de l’aide sexuelle aux handicapés, peut-être la plus attachante: l’interview d’un de ses clients est un moment d’intense émotion. Elles ont en commun de ne pas du tout être connes, d’avoir le sens de l’humour et d’aimer l’indépendance. Car, of course, toutes ont décidé librement de pratiquer leur métier. La prostitution forcée, le maquereautage, l’esclavage sexuel sont des problèmes dont elles ne nient nullement l’existence, mais qui ne les concernent pas. Elles disent des tas de choses percutantes et justes, sans mâcher leurs mots – ni ménager Sarkozy, instigateur en 2003 de la crapuleuse loi sur le "racolage passif". Quant à la réprobation dont elles sont l’objet, elles en analysent fort bien la cause principale, qui n’est pas d’ordre moral mais politique: "On ne dépend d’aucune logique de production", explique l’une d’elles. Alors tant pis si le film n’est pas parfait (la séquence sur un salon érotique est inutile, et les déclarations d’une actrice de cinéma porno sont, ce me semble, hors sujet). Il n’en est pas moins passionnant.
« Vite fait, conclut JiPéBé, signalons la parution d’un livre indispensable nonobstant ses légers défauts (rattrapables, espère-t-on, dans les prochains tomes): le volume 1 d’une monumentale Encyclopédie des longs métrages français de fiction 1929-1979, par Armel De Lorme, à l’enseigne de L’Aide-Mémoire. Un recensement exhaustif et jouissif, où l’on glane une myriade d’informations inattendues. »
Jean-Pierre Bouyxou, SH
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Et l'on repasse l'affiche, parce que... Miss Tic